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À Venise avec Giorgio Baffo, et des révélations sur le monde d’après avec Albert Dubout

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Giorgio Baffo : « en bonne chrétienne, offrez votre cul »

Aujourd’hui, nous voilà à Venise, au XVIIIe siècle, sur les pas de Giorgio Baffo, magistrat, sénateur et poète d’une obscénité foisonnante et revigorante, et dont les textes, qui défiaient les inquisiteurs de la République, faisaient la joie de ses contemporains dans les cafés et les bars à vin de Venise, au temps des masques, au temps de Goldoni et de Casanova.

Voici ce qu’en disait Guillaume Apollinaire : « Baffo, ce fameux vérolé, surnommé l’obscène, que l’on peut regarder comme le plus grand poète priapique qui ait jamais existé et en même temps comme l’un des poètes les plus lyriques du XVIIIe siècle, écrivait dans ce patois vénitien qu’ont illustré un grand nombre d’ouvrages remarquables dans tous les genres. (…) Giorgio Baffo naquit à Venise en 1694 et y mourut en 1768, âgé de soixante-quatorze ans. Il était le dernier représentant d’une vieille famille patricienne qui avait fourni une sultane aux Ottomans. (…) Les poèmes de Baffo ne parurent pas de son vivant. Trois ans après sa mort, ses amis firent paraître un recueil qui contenait près de deux cents pièces. [1] »

DAMES, CROYEZ-VOUS ?

Donne credeu che sol pissar
La mona v’abbia fatto la natura ?
La ve l’ha fatta, perché el mondo dura
Facendove dai omeni chiavar.
Ogni qualvolta la volè salvar,
e che ghe mettè su la serratura,
che vu fè un gran peccà mi go paura,
per el qual v’abbiè el culo da brusar.
Tiolelo ancuo piuttosto che diman,
che oltre che gavarè sto bel sollazzo,
farè un’opera bona da Cristian.
Perché, sappiè, che come è fatto el giazzo
Per renfrescarne, e per magnar el pan,
cussì la mona è fatta per el cazzo.

Dames, croyez-vous que ce soit seulement pour pisser
Que la nature vous a doté d’une chatte ?
Elle vous l’a donnée pour que le monde survive
En vous faisant baiser par les hommes.
Chaque fois que vous la voulez sauver
En refusant son accès
Vous commettez un grand péché qui me fait peur.
Le cul doit vous brûler.
Offrez le aujourd’hui plutôt que demain
Parce que c’est non seulement donner un grand plaisir
Mais aussi faire œuvre de bonne chrétienne.
Parce que de même, que la glace est faite
Pour rafraîchir, le pain pour ôter la faim,
La chatte est faite pour la bite.

Giorgio Baffo

[RADIO] À Venise avec Giorgio Baffo [29 mai 1997]

Programmation musicale :
- Antonio Vivaldi : L’incoronazione di Dario
- Giovanni Battista Guarini : Cor mio, deh, non languire

journalistes : Daniel Mermet, Thierry Scharf, avec Lorenzo Giapparidze et Monica Fantini
réalisation : Antoine Chao et Khỏi Nguyen

LA VERITÉ SUR LE « MONDE D’APRÈS » DÉVOILÉE PAR L’ILLUSTRE ILLUSTRATEUR DE LA SEMAINE

Je n’aimerais pas tomber sur un vieux numéro d’ICI PARIS de quand j’étais gamin. J’aurais peur de trouver les dessins humoristiques pas très marrants et les idées plutôt poussives. Chaque semaine pourtant, on l’attendait, ce journal, et on rigolait en revenant du marché devant les dessins de Bellus, de Tetsu, de Jacques Faizant et des autres. La une, c’était que des dessins encadrés d’un trait rouge. Les passants s’arrêtaient devant le kiosque à journaux de la gare et on se marrait sans malice. Mais la malice nous a gagnés, on ne rigole plus pareil, il nous faut du fond, il nous faut du style, il nous faut du bon mauvais goût. Je n’aurais pas honte d’avoir aimé tout ça, mais je dirais qu’on a tourné la page. Sauf Dubout. Le rire de Dubout n’a pas vieilli. Albert Dubout, le plus poilant, le plus imaginatif, le plus habile, le plus intarissable et le plus populaire. Avec ses « grosses cocasseries burlesques », comme disait je ne sais plus qui, son dessin occupait la une chaque semaine. Que du rire, que du bonheur ! « S’envoleront vos soucis, si vous lisez ICI PARIS ! »

Albert Dubout (1905-1976) a laissé une œuvre énorme, proliférante, toujours savourée aujourd’hui, avec même un musée qui lui est consacré à Palavas-les-Flots. Il a aussi une œuvre peinte, très différente du reste, des dizaines de peintures superbes et profondes. Et pourquoi Dubout cette semaine ? Pour ces quelques dessins qui décrivent très précisément à quoi va ressembler notre vie d’après, oui, en ce premier jour de printemps nous vous révélons ce qui nous attend au bout du tunnel

LÀ-BAS

L'équipe de Là-bas attend vos messages dans les commentaires et sur le répondeur au 01 85 08 37 37 !

Notes

[1Guillaume Apollinaire, Les Diables amoureux, Gallimard, 1964.

Voir aussi

-  Régis Debray, Contre Venise, 1995, Gallimard, Paris

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On ne remerciera jamais assez le cancer et Jésus.

Oui, tout d’abord, merci au cancer. Car s’il n’avait pas eu un cancer en 1985, à 34 ans, Gerhard Haderer aurait eu la vie indigente d’un « créateur » publicitaire. Or, c’est lorsqu’il fut opéré (et guéri) qu’il a tout laissé tomber et s’est tourné à fond vers le genre de dessins que vous allez (re)découvrir, si puissants, si violents qu’ils se passent de tout commentaire, à part quelques gloussements, quelques éclats de rire et pas mal de silences dans le genre grinçant.

Ensuite, merci à Jésus. Et surtout à Monseigneur Christoph Schönborn, cardinal, archevêque de Vienne. En 2002, Gerhard Haderer publiait La Vie de Jésus, un surfeur drogué à l’encens, ce qui faisait un peu scandale dans la très catholique Autriche, si bien que le cardinal archevêque, hors de lui, crut bon de donner l’ordre à l’auteur de présenter ses excuses aux chrétiens pour avoir ridiculisé le fils de Dieu. Au passage, on le voit, l’Islam n’a pas le monopole du refus des caricatures, mais celles-ci eurent beaucoup moins d’écho chez nos défenseurs de la liberté d’expression. Et bien entendu, comme toujours, la censure assura le succès de l’album, qui atteignit 100 000 exemplaires en quelques jours.

Le capitalisme est comparable à une autruche qui avale tout, absolument tout. Mais là, quand même, il y pas mal de dessins de Gerhard Haderer qui lui restent, c’est sûr, en travers de la gorge. On peut rêver et c’est déjà beaucoup.