Depuis bientôt 30 ans, nous sommes souvent revenus sur le 17 octobre 1961, et sur le pont Saint-Michel, où Daniel Mermet, alors étudiant aux Beaux-Arts, fut témoin de l’assassinat d’un manifestant par un policier. Des années durant, les témoins de ces massacres s’entendaient répondre « si c’était vrai, ça se saurait ». Jusqu’en 1991, hormis quelques rares témoignages, quelques recherches courageuses, le massacre fut passé sous silence. Nous vous proposons aujourd’hui de (ré)écouter une série de quatre émissions à ce sujet (octobre 2011).
Que s’est-il passé ce soir-là à Paris ?
Lors d’une manifestation non violente organisée par la Fédération de France du FLN contre le couvre-feu qui leur était imposé, des dizaines d’Algériens sans armes étaient torturés et assassinés en plein Paris par des forces de l’ordre déchaînées le soir du 17 octobre 1961. Au vu et au su de tous, en pleine rue, à Bezons, à Argenteuil, au Quartier latin, à Saint-Michel, sur les Grands Boulevards, dans la cour de la Préfecture de police, au Palais des sports.
Combien de victimes ? Trois officiellement. Au moins 200 selon l’historien Jean-Luc EINAUDI. La presse couvre le drame, Paris Match, l’Express, l’Humanité, France Observateur. On s’indigne quelques jours, seul le PSU et quelques intellectuels organisent une manifestation de protestation. Mais très vite, une chape de plomb s’étend sur cette affaire, un silence de trente ans. Quelques ouvrages courageux, quelques recherches, quelques articles vite oubliés. Les témoins qui évoquaient ces massacres s’entendaient répondre : « Tu délires, si c’était vrai, ça se saurait. »
En 1991, avec le livre de Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris, le film Le Silence du Fleuve, l’association « Au nom de la Mémoire » et aussi notre série sur France Inter, ainsi que des articles et des publications, commençait enfin un long travail de mémoire et de recherches. Livres, films, débats, manifestations, chansons, BD, mobilisations constantes de militants, d’associations, d’élus, de témoins, de familles des victimes, ont fait que le 17 octobre 1961 a pris douloureusement sa place dans notre histoire. Mais il reste encore bien des zones d’ombres, des archives toujours fermées, le nombre des victimes toujours contesté, la dissimulation des vraies responsabilités au sommet de l’État à l’époque pour ce crime d’État qui n’est toujours pas reconnu.
Cinquante-six ans après la répression sanglante de cette manifestation pacifique d’Algériens à Paris, France 24 rappelle que le collectif du 17-Octobre 1961 a demandé au président Macron de condamner officiellement « les crimes commis par la France ».
« La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. » Si ces quelques phrases prononcées par le candidat Emmanuel Macron en déplacement en Algérie en février 2017 avaient provoqué des cris d’orfraie à droite, elles avaient aussi suscité l’espoir. Pour nombre d’historiens, mais aussi de simples citoyens de chaque côté de la Méditerranée, un travail de mémoire était enfin possible. Il y a quelques jours, le collectif du 17-Octobre 1961, composé d’historiens et d’associatifs, a interpellé le président dans une lettre afin qu’il précise sa position sur les crimes d’État commis par la France.
Merci à Benjamin Stora.
Programmation musicale :
– Eddy Mitchell : Soixante, soixante-deux
– Les Têtes Raides : Dans la gueule du loup
– Médine : 17 Octobre
– Kadda Cherif Hadria : Octobre 1961