« L’asile préféré des fils de notables », c’est par cette expression que l’historien Marc Bloch désignait « l’École libre des sciences politiques », qui a été nationalisée en 1945 sous le nom d’« Institut d’études politiques de Paris », et qui est beaucoup plus connue par son surnom : « Sciences Po ».
Si avant 1945 l’école se prétendait « libre », c’est parce qu’elle était libre de toute tutelle étatique : elle était à l’origine complètement privée. Premier paradoxe d’une grande école qui prétend, grâce à des capitaux privés issus du monde de l’industrie et de la finance, former les futurs garants de l’intérêt général. Un mélange des genres qui a jeté – dès la création de l’école par Émile Boutmy en 1872 – le soupçon sur la formation idéologique des étudiants. Pourtant, depuis 1945, c’est plutôt l’École nationale d’administration, la fameuse ÉNA, qui concentre les critiques sur la reproduction sociale des élites. Mais saviez-vous que la création de l’ÉNA avait justement été pensée comme une réplique publique à Sciences Po, pour ne pas laisser à une institution privée le monopole de la formation des futures élites ?