Il y quinze ans, juste avant le printemps, Jean Ferrat prenait son dernier train…

(illustration : Ernest Pignon-Ernest)
Ma France, Ma Môme, Potemkine, La Montagne… ses chansons courent toujours dans les rues. En voilà d’autres, connues ou moins connues, avec plein d’archives à (re)découvrir et à déguster dans l’ordre que vous voulez, prenez votre temps, offrez-vous ce luxe… et merci à l’ami Ernest Pignon-Ernest à qui nous empruntons son superbe dessin de Ferrat.
Le bal du ciment
Pour nous, Jean Ferrat, c’est le bal du ciment. C’est le sublime message d’un auditeur tout ému, il y a quinze ans, sur le répondeur de l’émission, quand Jean Ferrat a plié ses gaules, parmi des centaines de messages. L’auditeur disait qu’il était maçon sur un chantier, un jour, quand il a entendu Ferrat dans le transistor qui chantait Aragon :
« Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi QUE CE BALBUTIEMENT »
Mais avec le bruit autour, l’ami auditeur a compris « QUE CE BAL DU CIMENT ». Ça l’a touché, à fond, tout autant. La lourdeur énorme du béton opposé à la légèreté du bal, du dimanche, du possible, de l’amour peut-être, de la grâce sûrement…
Si Aragon avait entendu ce malentendu, il l’aurait préféré, c’est évident. D’ailleurs, ce n’est pas un malentendu, c’est comme ça qu’on s’approprie les chansons et qu’on les invente et qu’elles restent vivantes. On vous dira : « Ferrat, c’est toute une époque ». C’est vrai, mais parfois c’est toutes les époques, la preuve, le 7 juillet 2024, ces quatre minutes et trente sept secondes de bonheur, quand MA FRANCE est devenue LA FRANCE !
Ferrat, c’est nous

(illustration : Daniel Mermet)
Pourquoi on n’oublie pas ? Parce que Ferrat, c’est nous. La montagne, c’est chez nous, les marins de Potemkine, c’est nos frères, ma môme, c’est la mienne, la nuit et le brouillard, c’est en nous, c’est nous qui ne guérissons pas de notre enfance, c’est nous qui aimons à perdre la raison.
La Commune, Aragon, Robespierre et Neruda, Louise et Gisèle, c’est nos repères, les camarades et le goût du bonheur, c’est vous, c’est moi, la France de Ferrat, celle qui rêve, qui lutte et qui s’accroche aux branches du cerisiers, c’est nos enfants, c’est nos oiseaux, c’est nos ancêtres. Et le temps n’y change rien, on est toujours là en chœur, même un peu faux, tant pis, léger ou grave, lyrique ou cinglant, savant et populaire, le poing levé, les bras ouverts sans avoir encore trouvé la différence entre l’espoir de l’amour et l’amour de l’espoir.
Oui, Ferrat, c’est nous autres.
Notre émission du 15 mars 2010 : la plus écoutée depuis l’invention des oreilles [53min19]
Programmation musicale :
– Jean Ferrat : Camarade
– Jean Ferrat : Ma môme
– Jean Ferrat : Nuit et brouillard
– Jean Ferrat : Que serais-je sans toi
– Jean Ferrat : Pauvres petits c…
– Jean Ferrat : Les jeunes imbéciles
– Jean Ferrat : Le bilan
– Jean Ferrat : 17 ans
– Jean Ferrat : Un air de liberté
– Jean Ferrat : La porte à droite
– Jean Ferrat : Les cerisiers
2018 : Nuit et brouillard au Panthéon [3min02]
En 1963, la Radiodiffusion-télévision française interdisait Nuit et brouillard. 55 ans plus tard, en 2018, lors de l’hommage à Simone Veil au Panthéon, des jeunes gens reprenaient Nuit et brouillard, en chœur et en langue des signes :