Éric Zemmour, Édouard Drumont, antisémitisme, islamophobie, même combat. Un entretien de Daniel Mermet avec Gérard Noiriel

ZEMMOUR : TRASH, CLASH, CLIC, PUB Abonnés

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En un an, sur CNews, Éric Zemmour a multiplié son audience par cinq, de 100 000 à 500 000 personnes.

La combine ? Très simple, c’est la combine du vieux Le Pen ou de Donald Trump. Vous sortez une insanité, raciste, sexiste ou autre, bien trash, aussitôt c’est le clash, l’audience gonfle, des millions de clics, et vous pouvez vendre vos écrans de pub beaucoup plus cher. Ah, bien sûr, il faut un bon casting, c’est pas tous les jours qu’on trouve un Zemmour. Les experts toutologues nous parlent d’une « zemmourisation de la société ». Le choc qui suit le terrible assassinat de Samuel Paty entraîne une instrumentalisation et une surenchère de démagogie qui leur donne raison.

Une occasion de retrouver l’historien Gérard Noiriel que nous avions reçu pour son bouquin sur Éric Zemmour comparé à Édouard Drumont, Le Venin dans la plume (La Découverte, 2019).

Pour Éric Zemmour, c’est le musulman dont il faut débarrasser la France, pour Édouard Drumont, c’était le Juif. Gérard Noiriel rapproche les deux personnages, leurs stratagèmes, leurs époques, leurs succès.

Avec le succès de La France juive en 1886, Édouard Drumont répand un antisémitisme virulent qui conduira à l’affaire Dreyfus et au zèle de Vichy dans la destruction des Juifs. Avec ses insanités quotidiennes, Éric Zemmour fait les choux gras des éditeurs et des grands médias qui diffusent et banalisent son islamophobie militante. Comment répondre ? Quelle riposte ? Contre la bourgeoisie culturelle et les « bien-pensants », Drumont et Zemmour, tous deux d’origine populaire, font figure de rebelle en lutte contre la censure et le politiquement correct. Si la justice les condamne, c’est bien la preuve que leur croisade dérange l’ordre établi.

Gérard Noiriel, qui a longuement travaillé sur l’immigration en France, compare le racisme à un virus présent dans un organisme. Lorsque cet organisme perd son dynamisme et s’affaiblit, le virus se développe. L’antisémitisme de Drumont s’est développé dans une profonde crise économique et sociale, l’islamophobie de Zemmour s’est installée dans une époque d’inégalité, de précarité et d’insécurité sociale. Jusqu’où ?

Un entretien de Daniel Mermet avec Gérard Noiriel, historien, auteur du livre Le Venin dans la plume (La Découverte, 2019).

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La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

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La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

Alain Ruscio publie « La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 » aux éditions La Découverte La première guerre d’Algérie (1830-1852) AbonnésVoir

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« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

Frédéric LORDON publie« Figures du communisme » aux éditions La Fabrique. Un entretien en deux parties Frédéric Lordon, le capitalisme nous détruit, détruisons le capitalisme (2/2) AbonnésVoir

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Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.