Édouard Drumont l’antisémite, Éric Zemmour l’islamophobe. Entretien avec Gérard Noiriel. VIDÉO

Zemmour le camelot : quelle riposte ? Abonnés

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Jeanne d’Arc, Chateaubriand, Victor Hugo, Éric Zemmour. Cherchez l’intrus. Zemmour le camelot embobine une France dont il exploite les peurs et les blessures. Il y a plus d’urgence à regarder cette France-là qu’à regarder Zemmour. L’historien Gérard Noiriel, qui a longuement travaillé sur l’immigration en France, compare le racisme à un virus présent dans un organisme. Lorsque cet organisme perd son dynamisme et s’affaiblit, le virus se développe.

Il en fut ainsi au temps d’Édouard Drumont, l’auteur de La France juive, en 1886. Drumont répandit un antisémitisme virulent qui conduira à l’affaire Dreyfus et au zèle de Vichy dans la destruction des Juifs. Avec ses insanités obsessionnelles, Éric Zemmour fait les choux gras des éditeurs et des grands médias qui diffusent et banalisent son racisme islamophobe. Et le voici candidat à l’élection présidentielle, partout à la « une ».

Dans son livre, Noiriel établit un parallèle saisissant entre les deux polémistes. L’antisémitisme de Drumont s’est développé dans une profonde crise économique et sociale, l’islamophobie de Zemmour s’est installée dans une époque d’inégalité, de précarité et d’insécurité sociale. Pour Éric Zemmour, c’est le musulman dont il faut débarrasser la France, pour Édouard Drumont, c’était le Juif. Gérard Noiriel rapproche les deux personnages, leurs stratagèmes, leurs époques, leurs succès.

Comment répondre ? Quelle riposte ? Contre la bourgeoisie culturelle et les « bien-pensants », Drumont et Zemmour, tous deux d’origine populaire, font figure de rebelles en lutte contre la censure et le politiquement correct. Si la justice les condamne, c’est bien la preuve que leur croisade dérange l’ordre établi. C’est cet ordre qui a établi toutes les conditions favorables au développement de l’extrême droite, inégalités, souffrances sociales, humiliations, qui fut responsable hier, comme aujourd’hui. C’est là que se situe le combat.

D.M.

Un entretien de Daniel Mermet avec Gérard Noiriel, historien, auteur du livre Le Venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République (La Découverte, 2019), diffusé la première fois le 10 septembre 2019.

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Je suis un bourgeois et j’en suis fier. Personne ne dit une chose pareille. Le bourgeois, c’est l’autre, le bobo, le faux-cul, le gras du bide. Et encore, ça se dit plus, bourgeois, c’est désuet. Depuis longtemps, le bourgeois a appris à se déguiser. Une casquette de pêcheur, une veste de paysan, un blue jean comme les ouvriers. Il a entonné des discours indignés et révoltés contre le mal, contre le fascisme et contre les cons. C’est un libertaire, le bourgeois. Contre l’impôt, contre le voile, contre les flux migratoires incontrôlés. Il proclame la révolution. C’est le titre du livre d’Emmanuel Macron, RÉVOLUTION. Il est progressiste aussi. Le mouvement qui soutient Macron se proclame « progressiste ».

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On ne remerciera jamais assez le cancer et Jésus.

Oui, tout d’abord, merci au cancer. Car s’il n’avait pas eu un cancer en 1985, à 34 ans, Gerhard Haderer aurait eu la vie indigente d’un « créateur » publicitaire. Or, c’est lorsqu’il fut opéré (et guéri) qu’il a tout laissé tomber et s’est tourné à fond vers le genre de dessins que vous allez (re)découvrir, si puissants, si violents qu’ils se passent de tout commentaire, à part quelques gloussements, quelques éclats de rire et pas mal de silences dans le genre grinçant.

Ensuite, merci à Jésus. Et surtout à Monseigneur Christoph Schönborn, cardinal, archevêque de Vienne. En 2002, Gerhard Haderer publiait La Vie de Jésus, un surfeur drogué à l’encens, ce qui faisait un peu scandale dans la très catholique Autriche, si bien que le cardinal archevêque, hors de lui, crut bon de donner l’ordre à l’auteur de présenter ses excuses aux chrétiens pour avoir ridiculisé le fils de Dieu. Au passage, on le voit, l’Islam n’a pas le monopole du refus des caricatures, mais celles-ci eurent beaucoup moins d’écho chez nos défenseurs de la liberté d’expression. Et bien entendu, comme toujours, la censure assura le succès de l’album, qui atteignit 100 000 exemplaires en quelques jours.

Le capitalisme est comparable à une autruche qui avale tout, absolument tout. Mais là, quand même, il y pas mal de dessins de Gerhard Haderer qui lui restent, c’est sûr, en travers de la gorge. On peut rêver et c’est déjà beaucoup.