Alors que le monde entier s’indigne des images affreuses de « vaches à hublot » révélées par l’association L214, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas s’en tenir à ce constat terrible. C’est vrai, ces images ont un pouvoir paralysant, on est comme ahuri par une telle folie. Pourtant, des solutions existent pour sortir de la logique de l’agro-business. Parmi ces pistes, l’une d’elles nous intéresse particulièrement : la sécurité sociale de l’alimentation. La force de cette idée, c’est de s’appuyer sur quelque chose qui existe déjà, la sécurité sociale, et de s’inspirer de son modèle pour sortir l’agriculture et la distribution des logiques de marché, à l’instar de l’éducation, de la santé ou des retraites.
Car s’il y a bien un domaine où l’on constate que le marché, laissé à lui-même, fait n’importe quoi, c’est bien la production alimentaire : il tue les paysans et les agriculteurs, massacre les sols, creuse des trous dans les vaches pour y mettre des hublots, et en plus, il y a encore des gens qui crèvent de faim, tandis que l’on détruit un tiers de la production excédentaire. Une folie qui ne peut décemment plus continuer longtemps.
Profitons donc de cette émotion suscitée par les images de L214 pour explorer cette piste de la Sécurité Sociale de l’alimentation avec le penseur du « salaire à vie », Bernard Friot.
L’idée est la suivante : il s’agirait de créer une « cotisation alimentaire » dont le budget serait géré par les travailleurs et qui permettrait de créditer à chacun 100 euros de nourriture par mois sur la Carte Vitale. 100 euros à dépenser auprès de professionnels conventionnés, exactement comme pour les pharmacies ou les médecins libéraux. Une cotisation de 8% de la valeur ajoutée qui serait payée par les entreprises : un total de 120 milliards d’euros par an. En échange de quoi, on annule 8% de la dette privée des entreprises. Opération blanche. Une façon de solvabiliser la production de nourriture saine, car évidemment, on ne "conventionnerait" que des professionnels qui produisent selon des critères écologiques. Une façon aussi d’assurer un réel salaire aux paysans et agriculteurs.
Un entretien de Jérémie Younes.