Depuis l’assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, la machine à dire n’importe quoi est repartie de plus belle. En particulier en ce qui concerne l’islam. On peut être quasiment sûr qu’une phrase qui commence par « les musulmans sont ceci… » ou « l’islam, c’est cela… » finit toujours par une connerie.
En décembre 2019, nous recevions les historiens Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, co-auteurs du Coran des historiens, une étude historique et scientifique du texte fondateur de l’islam. En ces temps d’émotion peu propices à la réflexion, il est bon de prendre le temps de s’arrêter et de réfléchir, aussi nous vous proposons de revoir cette discussion avec deux chercheurs passionnants, qui nous racontent ce qu’ils savent du Coran, et surtout ce qu’ils en ignorent.
« Il est né le divin enfant, Jouez hautbois, résonnez musettes ! » Noël approche , et bientôt réunis autour de la crèche nous chanterons tous en choeur la gloire du petit Jésus. Tous ? Oui, et bien plus qu’on ne le pense en tout cas, puisque Jésus est un personnage central du Nouveau Testament, mais aussi… du Coran !
Le Coran, beaucoup de monde en parle, mais peu de personnes l’ont lu. Et pour cause, le texte est aujourd’hui très difficilement compréhensible pour un lecteur du XXIe siècle, éloigné du contexte de sa rédaction, l’Arabie préislamique du VIIe siècle après Jésus-Christ.
Donner des clefs de compréhension de ce texte vieux de 14 siècles, c’est ce qu’ont voulu faire les historiens Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye dans une étude monumentale, Le Coran des historiens, 3 048 pages, 3,465 kg, issue de contributions d’une trentaine de chercheurs du monde entier.
Que nous apprennent les historiens sur Mahomet ? Très peu de choses, puisqu’il n’existe quasiment pas de traces du Mahomet historique. Mais sur les sources du Coran, ses influences, ses liens avec la Bible, sa rédaction, sa mise en forme, son utilisation par le pouvoir politique, le travail de l’historien permet de comprendre un texte qui a marqué l’histoire de l’humanité. Une démarche scientifique, utile tant aux croyants qu’aux profanes, loin des polémiques sans cesse agitées dans le but de faire peur.
Une telle histoire critique existait déjà pour l’Ancien et le Nouveau Testament. En voilà désormais une pour le Coran avant l’islam. Le Coran avant l’islam ? Oui, une lecture du Coran en tant que texte littéraire, poétique, historique, avant qu’une religion nouvellement créée ne s’en empare, au VIIe siècle après Jésus-Christ, et avant que la tradition musulmane n’en livre ses interprétations.
Un entretien de Jonathan Duong et Gérard Mordillat avec Mohammad Ali Amir-Moezzi, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, et Guillaume Dye, professeur d’islamologie à l’Université libre de Bruxelles, co-auteurs du Coran des historiens (éditions du Cerf, 2019).