Pourquoi est-il si facile de se mettre d’accord sur le caractère insupportable de l’ordre du monde, et si difficile de lui désobéir ? Spécialiste de la pensée de Michel Foucault, et professeur à Sciences-Po, Frédéric Gros explore dans son nouveau livre, Désobéir (Albin Michel), une série de questions qu’aucun de nous n’a envie d’affronter au fond. Pourquoi sommes-nous si pusillanimes face aux ordres ? Qu’est-ce qui nous fait si peur dans l’idée de transgresser ? N’y a-t-il pas en réalité une satisfaction inavouable à nous en remettre à l’autorité ?
Ainsi le philosophe, auteur en 2009 du best-seller Marcher, une philosophie, recroise-t-il ici la grande question que posait La Boétie dans son Discours sur la servitude volontaire (1574) au sujet de la multitude : mais comment se fait-il qu’ils obéissent ? Par quel monstrueux processus de captation le grand nombre en vient-il ainsi à se soumettre au petit, lui qui pourrait déplacer des montagnes s’il se redressait ? Il se pourrait, esquisse au passage Frédéric Gros, que le vrai secret de l’obéissance, et donc de l’ordre social entier, réside dans le fait que même les dominés prennent du plaisir en dominant des plus petits qu’eux. Et donc qu’ainsi, tout le monde soit plus au moins complice de la chaîne de domination.
Est-il possible pour un groupe de jouir de lui-même autrement que traversé par des ondes d’allégeance idolâtre à un chef ou à un quelconque pouvoir ? Quel mouvement incarne aujourd’hui le mieux les valeurs de l’insoumission ? La désobéissance civile d’un Cédric Herrou, agriculteur et militant de l’aide aux migrants, ou le mouvement politique français dit des « Insoumis » ? Une réflexion originale et radicale, au sens où elle entend mettre à jour les racines même de ce qui nous lie à l’autorité, les vraies raisons de notre captivité volontaire.