Avec Serge Halimi et Pierre Rimbert du Monde diplomatique

Quand les « gilets jaunes » font tomber les masques

Le

Cet article est en accès libre grâce aux abonnés modestes et géniaux, mais…

…sans publicité ni actionnaires, Là-bas si j’y suis est uniquement financé par les abonnements. Sans les abonnés, il ne nous serait pas possible de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre indépendance  : rejoignez-nous  !

Je m'abonne J'offre un abonnement

(photo : Jonathan Duong/LÀ-BAS SI J’Y SUIS)

[RADIO] Serge Halimi et Pierre Rimbert : quand les « gilets jaunes » font tomber les masques

Un retour au réel. Voilà ce que les « gilets jaunes » sont depuis trois mois : un retour des classes populaires dans le débat public, dont elles avaient été consciencieusement chassées. Cette exclusion des classes populaires du champ politique, les tenants de l’ordre néolibéral l’ont pensée, théorisée. L’ancien ministre socialiste Dominique Strauss-Kahn l’écrivait noir sur blanc dans son livre La Flamme et la Cendre (Grasset, 2002 ) : « les couches sociales regroupées dans le terme générique d’“exclus” ne votent pas pour (la gauche), pour cette raison simple que, le plus souvent, elles ne votent pas du tout. Au risque de l’impuissance, (la gauche) se voit dans l’obligation de trouver à l’intérieur d’autres catégories sociales le soutien suffisant à sa politique. »

Dix-sept ans plus tard, cette résurgence des classes populaires fait peur, elle fait peur aux élites, sous les fenêtres desquelles les « gilets jaunes » manifestent, comme le montre la carte publiée par Le Monde diplomatique. Une carte des « lieux de pouvoir à Paris » qui a suscité des cris d’orfraie de ceux qui s’offusquent que des informations pourtant publiques soient ainsi rassemblées et données à voir à tous.

Cette trouille, Irène Inchauspé, la journaliste bien informée de L’Opinion, le quotidien dirigé par Nicolas Beytout, en a témoigné sur le plateau de Canal+ : « ils vont distribuer des primes, tous les grands groupes, parce que d’abord, ils ont vraiment eu peur, à un moment, d’avoir leurs têtes sur des piques. Ils avaient… Ils ont passé… Ah oui ! Les grandes entreprises, vous savez, quand il y a eu le samedi terrible, là, avec toutes les dégradations, ils avaient appelé le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, en lui disant : “Tu lâches tout ! Tu lâches tout, parce que sinon…” Ils se sentaient… ils se sentaient menacés physiquement, les grands patrons [1] ! »

Une grande frousse qui entraîne depuis trois mois une violente réaction de certains intellectuels, journalistes et politiques à longueur de plateaux télé et radio. Des propos qui rappellent ceux suscités par les journées de juin 1848 ou par la Commune de Paris. La peur du peuple avait alors fait tomber les masques des Luc Ferry de l’époque, et dévoiler la vraie violence, la violence de la bourgeoisie en lutte contre les aspirations finalement simples des classes populaires : pouvoir vivre [2].

Un entretien de Jonathan Duong avec Serge Halimi et Pierre Rimbert, auteurs de l’article « Lutte de classes en France » dans Le Monde diplomatique de février.

Programmation musicale :
- Julos Beaucarne : Les Bourgeois
- Coluche : Misère

journaliste : Jonathan Duong
réalisation : Julien Ar Coz et Sylvain Richard
montage : Jérémie Younes

L'équipe de Là-bas attend vos messages dans les commentaires et sur le répondeur au 01 85 08 37 37 !

Notes

[1« L’info du vrai », Canal+, 13 décembre 2018.

[2Le 7 janvier 2019, l’ancien ministre Luc Ferry trouvait sur l’antenne de Radio Classique que le maintien de l’ordre en France était encore trop timoré : « quand on voit des types qui tabassent à coups de pied un malheureux policier qui est par terre, mais enfin, voilà : qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois ! Écoutez ça suffit, voilà… Il y a un moment où ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite, ou d’extrême gauche, ou des quartiers, qui viennent taper du policier, ça suffit ! »

Dossier : Là-bas si j’y suis et les Gilets jaunes

Voir le dossier

Voir aussi

-  Le Monde diplomatique du mois de février, en kiosques et en ligne sur www.monde-diplomatique.fr

- Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Lutte de classes en France », Le Monde diplomatique n°779, février 2019

Sur notre site

À écouter

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

Chaque mardi, Olivier Besancenot vous dit UN GROS MOT (vidéo et podcast) Les Gros mots #29 : UTOPIE AbonnésVoir

Le

« L’allocation universelle, une dangereuse utopie sociale » : voilà le cri d’alarme poussé par un membre de l’Académie royale de Belgique dans le quotidien L’Écho. En France, c’est la candidature de Jean-Luc Mélenchon qui est qualifiée de « vote utopique des bobos » par le magazine Challenges. Quant à RMC, la radio fait mine de s’interroger, « passer à la semaine de quatre jours de travail : utopie ou avancée sociale ? ». Décidément, l’utopie a bien mauvaise presse, tant le mot sert à dénigrer une idée jugée impossible, infaisable, irréalisable. Pourtant, le mot « utopie » n’avait pas cette connotation péjorative quand il a été inventé par Thomas More pour désigner « Utopia », l’île idéale où se trouve « la meilleure forme de communauté politique ».

Les « invididus cagoulés », idiots utiles de Macron ? Une enquête de Dillah Teibi MANIP DE MANIFS ! AbonnésÉcouter

Le

« — L’histoire du flic déguisé en black bloc, vous la connaissez ? Et l’histoire des CRS qui avaient pour consigne de "les laisser casser" ? Si c’est vrai, alors les "individus cagoulés" qui brûlent des McDo seraient des idiots utiles manipulés pour faire diversion ?
— Ça alors, chef, vous croyez ?
— Écoute le reportage de Dillah Teibi, tu vas tout comprendre. »

Refoulement. Comment sont morts les 600 damnés de la mer ? Déroulement d’un naufrage. VIDÉO et PODCAST Deux naufrages en même temps : cinq puissants dans l’Atlantique, 750 misérables en Méditerranée AbonnésVoir

Le

D’un côté, cinq riches touristes disparaissent dans l’Atlantique. De l’autre côté, en Méditerranée, un bateau avec 750 migrants à bord coule en quinze minutes. Le monde entier s’intéresse mille fois plus aux cinq touristes qu’aux malheureux migrants. Les inégalités se creusent dans le monde, des chiffres nous le montrent chaque jour, mais il est rare qu’éclate une preuve aussi violemment obscène. Le naufrage des cinq touristes est soigneusement documenté, mais celui des migrants reste dans le flou. Avec Alice Latouche, chercheuse au CNRS, nous retraçons le déroulement de cette tragédie qui met en cause la Grèce et toute la politique migratoire de l’Union européenne sous la pression de l’extrême droite.

C’est le moment pour déguster le meilleur de LÀ-BAS Le bras du pape, un secret bien gardé Accès libreLire

Le

Insoupçonnable pour le public, c’est un bras articulé qui salue les fidèles. Le pape François, 80 ans, qui souffre d’arthrose à l’épaule et maintenant au coude, doit agiter le bras durant des heures sur le parcours. C’est l’atelier Brandisi de Milan qui a réalisé ce bras articulé d’après un moulage du bras droit de sa Sainteté.