La corruption, c’est pas bien, la corruption, c’est mal. Évidemment, tout le monde salue la lutte contre la corruption et soutient le journalisme d’investigation qui dénonce, le journalisme d’investigation qui accuse, le journalisme d’investigation qui révèle. Sauf qu’on ne sait jamais qui dénonce les corrompus, qui alimente la presse en scandales politico-financiers et donc qui tire profit de ces révélations.
Les exemples récents des présidents Lula et Mélenchon sont éclairants : l’ancien président brésilien a été condamné à huit ans de prison sur la foi d’une dénonciation – sans preuve – d’un délinquant « repenti », l’empêchant d’être réélu président. Les perquisitions subies par le président du groupe parlementaire La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, largement relayées par les médias, sèment le doute sur son honnêteté, en même temps qu’elles ont permis aux forces de l’ordre de mettre la main sur les documents privés d’un parti d’opposition. C’est ce que les deux concernés ont dénoncé dans une tribune sous le terme de « lawfare », l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Mais au-delà de ces deux exemples, cette obsession de la transparence et de l’intégrité a déplacé le débat public du champ politique et économique au terrain moral. On ne lutte plus, on s’indigne. Jérôme Cahuzac a été condamné à quatre ans de prison pour fraude fiscale, mais les paradis fiscaux existent toujours. Désormais, le monde ne se diviserait plus « en deux grandes classes diamétralement opposées [1] », mais entre deux camps de part et d’autre de la morale : les bons contre les méchants.
Un entretien de Jonathan Duong avec Benoît Bréville, rédacteur en chef, et Renaud Lambert, rédacteur en chef adjoint du Monde diplomatique, autour du dossier « À qui profite la lutte anticorruption ? » dans Le Monde diplomatique de septembre.
Programmation musicale :
– Iggy Pop : Corruption
réalisation : Sylvain Richard
montage : Jérémie Younes
« Dans les cuisines de l’investigation », c’est le dernier article que Pierre Péan a écrit pour le dossier du Monde diplomatique, juste avant son décès en juillet dernier.
À (re)découvrir, nos émissions de février 2003, lors de la publication de La Face cachée du Monde. Daniel Mermet recevait les auteurs Pierre Péan et Philippe Cohen. Le livre (600 pages), vendu le premier jour à 60 000 exemplaires, a dépassé les 200 000 au total. Une enquête accablante pour la direction du « journal de référence », c’est-à-dire Jean-Marie Colombani, Alain Minc et Edwy Plenel, l’actuel patron de Mediapart.
Manipulations, abus de pouvoir, petites et grandes magouilles en se réclamant à la fois d’Édouard Balladur et de Léon Trotski (il serait amusant de faire l’anthologie des imposteurs intellectuels se réclamant de Trotski !). Le livre fit l’effet d’une bombe. Le journal poursuivit les deux auteurs et l’éditeur en justice, réclamant deux millions d’euros, mais un accord fut conclu, le journal retirait sa plainte à la condition qu’il n’y eût pas de nouveaux tirages. Ce qui fut accordé, même si l’on murmure que l’éditeur avait devancé l’accord en faisant d’importants retirages.
Dans cet entretien, le tout premier à la sortie du livre, on retrouve le très regretté Philippe Cohen – qui participait aux procès parodiques de Là-bas au théâtre Déjazet, notamment le procès de BHL, un autre imposteur de grande taille – et on retrouve Pierre Péan qui, à nouveau, insiste sur la différence entre journalisme d’« enquête » et journalisme d’« investigation ».
Programmation musicale :
– Alain Souchon : Poulailler’s song