Samedi 16 novembre 2019, manifestation à Paris pour le 1er anniversaire du mouvement des « gilets jaunes ». Tous les cortèges sont empêchés de manifester dès le départ, gaz, camions à eau, la place d’Italie est nassée, transformée en souricière. Manuel, 41 ans, ouvrier de l’automobile, « gilet jaune » de la première heure, est descendu de Valenciennes avec sa compagne Séverine. Il se trouve là, place d’Italie, à échanger avec d’autres manifestants, à rigoler, à ironiser sur la situation et sur les « casseurs » que la police a gentiment laissé passer. Soudain, alors que tout est calme autour de lui, une grenade lacrymogène lui arrive directement dans l’œil gauche. La scène ultra-violente est saisie par une caméra en direct. « Manu » est emmené par les secours, son œil est perdu.
Une dizaine de jours plus tard, Taha Bouhafs est allé rencontrer Manu et Séverine à Valenciennes pour recueillir leur témoignage. Les mots de Manu sont saisissants de force et de courage : « même avec un œil en moins, je serai toujours là ».
Manu est le 25e éborgné depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Vingt-cinq en douze mois, ça fait deux par mois. Il a refusé d’être entendu par l’IGPN, a déposé une plainte contre le préfet Lallement, mais ne se fait pas d’illusions sur la suite de la procédure : sur les 212 enquêtes de l’IGPN, 146 ont été clôturées et seulement 18 ont donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, pour zéro condamnation pour le moment [1].
Merci à Manu et Séverine pour leur témoignage.