Les dockers refusent "de participer au génocide en cours".

Les dockers de Marseille Fos refusent de charger des armes pour Israël Abonnés

1

Le

Déjà en 1950, les dockers refusaient d’embarquer des armes pour la guerre d’Indochine. C’est le thème du film culte de Paul Carpita interdit pendant 35 ans, Le Rendez-vous des quais.

De Donald Trump au CRIF, de Jordan Bardella au grand reporter de guerre Bernard-Henri Lévy, les militants du génocide des Palestiniens ont perdu un peu de leur entrain ces jours derniers. Il aura fallu plus de 19 mois d’opportunisme et de lâcheté devant les massacres pour que des pressions soient envisagées par les puissances occidentales contre Israël. En France, selon des sondages, plus de 70 % des Français seraient favorables à des sanctions et plus de 60 % pour la reconnaissance d’un État de Palestine [1]. En attendant, la criminalisation de la solidarité continue. Dénoncer massacres et génocide tombe sous l’accusation systématique d’antisémitisme.

Dans ce climat, le 4 juin, les dockers CGT de Marseille Fos ont refusé de charger des pièces pour des fusils mitrailleurs, fabriquées en France, sur un navire en partance pour Haïfa, au nord d’Israël [2]. Ce jeudi 05 juin, à nouveau, ils ont bloqué le chargement de deux autres conteneurs. Leur motivation :

« NOUS NE PARTICIPERONS PAS À UN GÉNOCIDE EN COURS ORCHESTRÉ PAR LE GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN. »

PAUL CARPITA, LE RENDEZ-VOUS DES QUAIS

André Maufray dans le film de Paul Carpita, Le Rendez-vous des quais, 1h15, 1955

Il y a 75 ans déjà, les dockers de Marseille refusaient de charger des armes.

En pleine guerre d’Indochine (1946-1954), ils bloquent le chargement des armements, des chars, des véhicules et du matériel stratégique. Ils devront décharger les cercueils des soldats français, dont ceux morts à Diên Biên Phu. Ces grèves héroïques sont le sujet du film de Paul Carpita, tourné en 1950, qui est interdit par la censure dès la première projection. Motif : « atteinte à la sûreté de l’État. Contient des scènes de résistance violente à la force publique ». La pellicule est saisie et il faudra un miracle 35 ans plus tard pour qu’une copie soit retrouvée et restaurée par le CNC et la Cinémathèque française et que le film rencontre enfin son public.

Les dockers de 1950 se mobilisaient contre le colonialisme français en Indochine. 75 ans après, les dockers de 2025 se mobilisent contre le colonialisme israélien en Palestine.

Paul Carpita

« Je ne suis pas un cinéaste, je suis le fils d’un docker et d’une poissonnière »

Référence pour Ken Loach, inspirateur de Robert Guédiguian, Paul Carpita a été censuré pendant 35 ans ! Ancien résistant FTP devenu instituteur dans les années 1950, avec les moyens du bord, il tourne un film sur le combat des dockers du Vieux-Port contre la guerre d’Indochine. En décor réel, avec des comédiens amateurs, LE RENDEZ-VOUS DES QUAIS est un vrai film populaire. La censure ne s’y trompe pas et le film, tourné entre 1950 et 1953, est saisi en 1955. Ce n’est qu’en 1990 que le film sort du purgatoire et que l’équipe de Là-bas rencontre Paul Carpita.

Paul Carpita est mort en 2009 à l’âge de 86 ans.

Ce fut un bonheur inoubliable de le rencontrer en 1990, au début de l’aventure de Là-bas…

D.M.

Écouter l’entretien avec Paul Carpita (43’53)

Paul Carpita, le deuxième rendez-vous des quais [22 novembre 1990]
Référence pour Ken Loach, inspirateur de Robert Guédiguian, Paul Carpita a été censuré pendant 35 ans ! Ce n’est qu’en 1990 que son film sort du purgatoire et que l’équipe de Là-bas rencontre Paul Carpita.
première diffusion : 22 novembre 1990
rediffusions : 20 avril 2010 et 4 juin 2013

journaliste : Daniel Mermet
réalisation : Christian Rose, Khoï Nguyen et Raphaël Mouterde
musique : Léo Ferré, Marseille ; Moussu Lei Jovents, Mademoiselle Marseille


Abonnez-vous pour accéder à tous nos contenus, c’est très simple !

Depuis 1989 à la radio, Là-bas si j’y suis se développe avec succès aujourd’hui sur le net. En vous abonnant vous soutenez une manière de voir, critique et indépendante. L’information a un prix, celui de se donner les moyens de réaliser des émissions et des reportages de qualité. C’est le prix de notre travail. C’est aussi le prix de notre indépendance, pour ne pas être soumis financièrement aux annonceurs, aux subventions publiques ou aux pouvoirs financiers.

Je m'abonne J'offre un abonnement

Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous

C'est vous qui le dites…Vos messages choisis par l'équipe

Les bouquins de LÀ-BASLire délivre

  • Voir

    La bibliothèque de LÀ-BAS. Des perles, des classiques, des découvertes, des outils, des bombes, des raretés, des bouquins soigneusement choisis par l’équipe. Lire délivre...

    Vos avis et conseils sont bienvenus !

Dernières publis

Une sélection :

La sociologue publie « Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique ». Entretien Monique Pinçon-Charlot : « Dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, les capitalistes ont toujours, toujours, toujours des longueurs d’avance sur nous » AbonnésVoir

Le

La sociologue Monique Pinçon-Charlot, qui a longtemps analysé avec son mari Michel Pinçon les mécanismes de la domination oligarchique, publie un nouveau livre sur le chaos climatique et elle n’y va pas avec le dos de la cuiller en bambou. Entretien.

Les riches détruisent la planète, comme l’écrivait le journaliste Hervé Kempf. On le sait. Ils le savent. Ils le savent même depuis bien longtemps ! Le nouveau livre de Monique Pinçon-Charlot risque de ne pas plaire à tout le monde. Dans Les riches contre la planète, elle raconte comment une poignée de milliardaires est en train d’accumuler des profits pharaoniques en détruisant la nature, les animaux, les êtres humains et finalement toute la planète, menacée par les émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, la sociologue analyse comment l’oligarchie, qui a toujours eu une longueur d’avance, organise, encadre et finance sa propre critique et ses contestataires. Histoire que l’écologie ne soit pas un frein au business, mais au contraire l’opportunité de développer de nouveaux marchés selon une « stratégie du choc » décrite par la canadienne Naomi Klein. Le capitalisme fossile est mort ? Vive le capitalisme vert !

Alors que faire ? Arrêter de parler d’« anthropocène », ce n’est pas l’humanité tout entière qui est responsable du dérèglement climatique, mais de « capitalocène », la prédation du vivant étant consciemment exercée par quelques capitalistes des pays les plus riches. Ensuite comprendre ce que masquent les expressions « transition écologique  », « neutralité carbone » ou encore « développement durable » forgées par le capitalisme vert. Et surtout lire d’urgence le livre de Monique Pinçon-Charlot pour prendre conscience que les mécanismes de la domination oligarchique s’immiscent partout, y compris là où on ne les attendait pas…

Alain Ruscio publie « La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 » aux éditions La Découverte La première guerre d’Algérie (1830-1852) AbonnésVoir

Le

« Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités... » Il faut connaître cette époque pour comprendre la suite de la colonisation et son dénouement tragique. Dénouement que certains n’acceptent pas et qui le ravivent comme une amputation. Pourtant recherches, témoignages et reportages au cours des dernières années semblaient avoir apporté les moyens d’un apaisement des mémoires. Mais une extrême droite revancharde et négationiste, dotée de forts moyens médiatiques, gagne du terrain. Face à la concurrence des rentes mémorielles, il est donc nécessaire de mieux connaître cette sombre sanglante histoire. Aussi ROSA MOUSSAOUI interroge ALAIN RUSCIO, un des meilleurs historiens du fait colonial qui publie une somme passionnante à La Découverte.

Frédéric LORDON publie« Figures du communisme » aux éditions La Fabrique. Un entretien en deux parties Frédéric Lordon, le capitalisme nous détruit, détruisons le capitalisme (2/2) AbonnésVoir

Le

Depuis longtemps on se répète : « on sait pas ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on veut pas ». Si Lordon reprend la formule, c’est tout d’abord pour dire que ce qu’on ne veut pas, c’est le capitalisme. Nous n’avons plus le choix, c’est lui ou nous, il n’y a plus d’arrangement possible. Comme dit un AMG, « repeindre le capitalisme en noir ne suffit plus ». Oui, c’est vrai, déplorer, dénoncer, condamner, s’indigner à longueur d’année nous conduit à l’impuissance et à la résignation, c’est-à-dire là où nous sommes aujourd’hui.