Mais que se passe-t-il à Hongkong ? Que se passe-t-il pour que les radios et télévisions françaises nous rendent compte pendant tout l’été, quasi quotidiennement, de la mobilisation des Hongkongais ?
La couverture des manifestations de Hongkong par les principaux médias français est frappante tant elle semble à l’exact inverse de celle des « gilets jaunes » : manifestants « pacifistes », violence « symbolique », tentative du pouvoir de discréditer le mouvement, agents provocateurs, dénonciation des violences policières…
On se souvient des réticences qu’avaient suscitées les « gilets jaunes » dans la matinale de France Inter [1]. Le 6 août dernier, l’éditorialiste « géopolitique » estival de la station publique, Anthony Bellanger, n’a pas la même prudence pour parler des manifestants hongkongais :
« Laissez-moi d’abord vous dire toute l’admiration – l’admiration – que j’éprouve pour cette belle jeunesse hongkongaise, rapidement rejointe par l’ensemble de la population de l’ancienne enclave britannique, une population qui résiste encore et toujours à un régime orwellien. […] Il y a tout de même quelque chose de très spécifique à Hongkong : la modernité tout asiatique. Les jeunes Hongkongais utilisent des lasers, hein, pour aveugler les policiers chinois qui tentent de les photographier. Ils ont organisé des "commandos" spécialisés dans la neutralisation des bombes lacrymogènes, d’autres pour évacuer les blessés, ils multiplient les vêtements et les équipements bigarrés pour étourdir d’informations contradictoires les forces de l’ordre. Ils sont déterminés et organisés, mais aussi joyeux ! [2] »
On aurait aimé entendre le même enthousiasme quand il s’agissait des dangereux « black blocks » encagoulés sur les Champs-Élysées…
Mais il est visiblement plus facile de comprendre les manifestants quand ils luttent contre un « régime impérial et martial, pour qui l’impavidité est tout, et l’indécision mortifère [3]. » Un régime dont la télévision publique, la China Central Television, rappelle le savoir-faire de la France en matière de maintien de l’ordre, et en particulier la loi « anti-casseurs » qui a permis à Christophe Castaner d’interdire aux manifestants de dissimuler leur visage : « les manifestants se disent pacifistes, alors pourquoi ont-ils besoin d’être "équipés" ? Parce qu’ils savent qu’ils commettent des crimes. La France a voté une loi qui interdit aux manifestants de porter un masque. Manifestants de Hongkong, oserez-vous enlever vos masques ? »
They claim to be peaceful protesters, why do they need to be "fully armed" ? Because they know they are committing crimes. France has approved a law banning the wearing of masks at protests. Rioters in #HongKong, do you dare to take off your masks ? pic.twitter.com/Uyh0yjIOxR
— CCTV (@CCTV) 19 août 2019
Cela fait donc trois mois que des centaines de milliers de Hongkongais (jusqu’à 1,7 million de manifestants, pour une population totale de 7,2 millions) manifestent en faveur d’élections libres dans leur « région autonome spéciale ». Si les principales revendications mettent en avant les aspirations démocratiques des Hongkongais, le système capitaliste hérité de la colonisation britannique génère des inégalités très violentes et une crise sociale qui alimente la colère : plus de 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, alors même que Forbes classe Hongkong comme la deuxième ville comptant le plus de milliardaires, après New York [4].
Alors qu’une nouvelle manifestation prévue samedi 31 août est d’ores et déjà interdite par le pouvoir, voici quelques clefs pour comprendre la mobilisation à Hongkong, avec Martine Bulard, journaliste, auteure de l’article « Colère à Hongkong, poudrière géopolitique » dans Le Monde diplomatique de juillet.
Programmation musicale :
– Do you hear the people sing ?
– Denise Ho, Anthony Wong, Deanie Ip, Kay Tse, Endy Chow et Ellen Joyce : Umbrella Revolution