Tout semble perdu pour les 850 salariés de Ford. La production s’arrête en août et les lettres de licenciement arrivent en septembre. Pourtant, ils sont quelques-uns à y croire encore. Ce qui n’a pas été obtenu par la mobilisation ni par l’intervention de l’État, ils espèrent l’obtenir par la justice. Un jugement doit être rendu le 02 juillet. C’est ce que vient nous expliquer aujourd’hui Philippe Poutou :
C’est sans doute la dernière cartouche, mais c’est surtout une résistance exemplaire face à la résignation qui s’étend partout. On s’indigne, certes, on ne fait même que ça, s’indigner. On s’indigne et on se résigne, tout comme Alain Juppé, tout comme Bruno Le Maire qui semblait à deux doigts de proclamer la réquisition [1] ! Mais à deux doigts quand même.
Indignez-vous, résignez vous.
Ce cynisme s’inscrit dans la politique de renoncement de l’État face au « marché », c’est-à-dire face au triomphe du profit sans bornes depuis plus de quarante ans, depuis les licenciements de masse de Denain et de Longwy en 1978. En septembre 1999, à propos de l’annonce de 7 500 licenciements chez Michelin, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin déclarait : « il ne faut pas attendre tout de l’État (…). Je ne crois pas que l’on puisse administrer, désormais, l’économie. (…) ce n’est pas par la loi, ce n’est pas par des textes, ce n’est pas par l’administration que l’on va réguler l’économie aujourd’hui, même si l’économie a besoin d’être régulée. » Et sa conclusion venait du cœur : « tout le monde admet maintenant l’économie de marché, toutes les forces politiques françaises pratiquement – sauf peut-être l’extrême gauche dont je ne sais pas comment elle ferait fonctionner l’économie [2]. »
Or le marché, c’est la guerre. Goodyear, Continental, Whirlpool, GM&S, Sanofi, Alstom… sont les lieux de batailles de cette guerre sociale qui a déjà fait des centaines de milliers de victimes dans ce pays, pour le plus grand bénéfice à la fois de l’oligarchie régnante et de sa partenaire, l’extrême droite. Une guerre, oui, avec ses collabos et ses résistants et ce vaste ventre mou indigné et résigné devant la fatalité. Lors de la fermeture de Renault à Vilvorde en 1997, Jacques Chirac avait eu des mots lumineux en réponse à un journaliste : « vous dites : "vous fermez les usines". Naturellement, c’est aussi, hélas, la vie. Je ne parle pas de la manière de faire sur laquelle on peut avoir des commentaires, je n’en ferai pas ici car je n’ai pas l’habitude de parler à l’étranger des problèmes français, mais c’est la vie. Les arbres naissent, meurent. Les plantes, les animaux, les hommes… les entreprises. »
Alors, pourquoi résister ?