Se débarrasser du méprisant Macron ? En finir avec la monarchie républicaine ? Construire une 6e République, avec une nouvelle Constitution, en passant par une assemblée constituante ? Bof, vous dit-on, c’est trop abstrait, c’est trop lointain, c’est trop politique, c’est pas payant électoralement. Voilà ce que l’on rabâche dans notre hexagone. Pourtant, l’alternative est possible, le Chili en apporte une preuve éclatante. Le pays du dictateur Pinochet, premier laboratoire du néolibéralisme dans les années 1970, est aujourd’hui engagé dans des réformes en profondeur contre les inégalités, en mettant fin au système néolibéral. Comment ? Pourquoi ? Le Chili n’est pas la France, mais il y a là beaucoup de grain à moudre pour sortir de la spirale des défaites.
Quand on vous dit que la lutte paie. Après un immense soulèvement populaire qui a fait trembler tout le système politique hérité de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1989) [1], le Chili va carrément changer de Constitution ! Le 4 juillet, les 155 membres de la Convention constitutionnelle ont commencé leur travail de rédaction, avec pour présidente Elisa Loncón, universitaire, linguiste et « indienne mapuche ». Une révolution à elle toute seule. D’ici un an, le texte devra être approuvé par référendum, et remplacera la Constitution actuelle, adoptée en 1980 sous la dictature, alors que les partis politiques étaient interdits. Un nouveau Chili pourrait donc voir le jour, libéré de l’emprise du néolibéralisme imposé par les « Chicago Boys » (ces élèves chiliens de l’économiste américain Milton Friedman) [2].
Enfin un mouvement social qui réussit ! Mais comment ? Pourquoi ? De quoi inspirer ceux qui veulent sortir de la spirale des défaites. Pour en arriver là, il a fallu qu’un mouvement social historique secoue le Chili en octobre 2019. Puis, le 25 octobre 2020, 78 % des Chiliens ont voté pour changer de Constitution. Et enfin, les 15 et 16 mai 2021, ils ont élu une Convention constitutionnelle à l’image de l’agitation sociale du pays : la droite a été mise en minorité avec 20 % des voix, et les listes indépendantes des partis politiques ont obtenu 40 % des voix [3]. La liste « Apruebo Dignidad » (« Pour la dignité ») menée par une coalition du Parti communiste chilien et du Frente Amplio (« Front large », un parti issu du mouvement étudiant de 2011) a obtenu 19 % des voix. Elle dépasse l’ex-coalition de centre gauche, la Concertation, qui a gouverné le pays pendant vingt ans après la chute de Pinochet.
D’ailleurs, c’est l’ancien leader étudiant Gabriel Boric, membre du Frente Amplio, qui a été élu candidat du bloc de gauche à la primaire du 18 juillet, en vue de la présidentielle de novembre. Autre signe des temps : en mai 2021, la militante communiste et féministe Irací Hassler, âgée de trente ans, a remporté la mairie de Santiago, la capitale du pays [4].
Alors, le fond de l’air est-il à nouveau rouge au Chili ? Trois protagonistes du mouvement social chilien nous en parlent : le cinéaste et militant du peuple autochtone mapuche Daniel Diaz, la militante féministe Karina Nohales, et la députée du Front large Camila Rojas.
Merci à Felipe Andrés Barrientos, Marion Dubois, Franck Gaudichaud et Irina du Colectivo Sabotaje.
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