Partout et toujours, le pouvoir ne manque jamais une occasion de raccourcir la laisse et de resserrer la muselière du bon peuple. L’occasion c’est une catastrophe, un attentat, un choc quelconque.
Au printemps 2020, pour faire face au Covid-19, le premier état d’urgence sanitaire de l’histoire de France est instauré, s’inspirant de l’état d’urgence décrété pendant la guerre d’Algérie en 1955. Du jour au lendemain, l’intégralité de la population française se retrouve assignée à résidence, privée de sa liberté d’aller et de venir, de son droit à la vie privée et, selon les cas, de son droit au travail ou à la liberté d’entreprendre.
Parallèlement, un mécanisme de surveillance généralisée est mis en place, avec quadrillage policier du territoire et usage de drones. Désormais, chaque citoyen est considéré comme un danger potentiel. Il n’est plus un sujet de droit mais un « sujet virus ».
Mais qui s’en inquiète ? Qui proteste ?
Il y a une force majeure sans précédent. L’important c’est la sécurité, nous sommes unanimes. Sauf que c’est là, précisément, que les libertés publiques sont menacées.
Alors que l’état d’exception contamine peu à peu le droit commun à la manière d’une tache d’huile, les catégories de personnes et les champs touchés par les réductions de libertés ne cessent de s’étendre. Quelles conséquences, dans ces conditions, pour les libertés publiques ? Quels contre-pouvoirs mobiliser face à l’arbitraire de l’exécutif ?
Pour Arié Alimi pas question de se résigner. Avec pour modèle Henri Leclerc ou Gisèle Halimi, il est de ces avocats qui pensent que le droit est un moyen de lutter. On l’a vu partout dans les affaires de violences policières, dont il a contribué à faire le symptôme et le symbole d’un pouvoir discrédité.
L’état d’urgence sanitaire vient d’être reconduit jusqu’en juin prochain. Arié Alimi l’affirme, face à ce « coup d’état d’urgence », il est encore temps de réagir.
Un entretien de Daniel Mermet avec Arié Alimi, avocat pénaliste, défenseur de nombreuses victimes de violences policières et membre de la Ligue des Droits de l’Homme, auteur du livre « Le coup d’état d’urgence. Surveillance, répression et liberté » (Seuil, 2021).