Entretien avec l’économiste Julia Cagé

Alstom/Macron : « pacte de corruption » ou solidarité de classe ? Abonnés

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Notre enquête sur la vente d’Alstom Énergie à General Electric nous a amenés à nous intéresser au financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron.

C’est vrai, au début, on ne voit pas bien le rapport. Mais lorsqu’on constate qu’il y a dans la liste des donateurs de campagne des gens qui ont profité de cette vente autorisée par Emmanuel Macron, le rapport devient évident. Peut-on parler, comme le président de la commission d’enquête Olivier Marleix, d’un « pacte de corruption » [1] ? Ou bien est-ce une spectaculaire mobilisation de classe ? Nous sommes allés poser la question à l’économiste Julia Cagé, qui a publié l’année dernière un livre sur le sujet du financement des campagnes, Le Prix de la démocratie (Fayard, 2018) :

En France, le plafond de don à un parti politique est de 7500 euros par personne et par an, auxquels on peut ajouter 4600 euros de dons les années de campagne. Des plafonds censés nous protéger de l’influence des forces de l’argent sur le politique. Mais, ce n’est pas le cas : malgré ces plafonds, les riches et les ultra-riches sont sur-représentés dans les donateurs aux partis politiques. Pour le cas d’Emmanuel Macron, « un club des milles » a financé près de 50% de sa campagne présidentielle 2017, soit 6,3 millions d’euros [2]. Le tout remboursé en partie par les contribuables, puisque rappelez-vous, les dons sont déductibles !

Comment faire autrement ? Comment assurer le financement de la vie politique tout en la protégeant de la capture des riches ? Julia Cagé esquisse un possible, « les bons pour l’égalité démocratique ». Une subvention publique qui remplacerait les exonérations, et qui prendrait la forme de bons de 7 euros que chaque citoyen pourrait attribuer au parti de son choix chaque année. Une proposition simple, à discuter, qui a le mérite de montrer que tout ceci n’est pas une fatalité.

Un entretien de Jérémie Younes avec Julia Cagé, économiste, professeure à Sciences Po et auteure du livre Le Prix de la démocratie (Fayard, 2019).

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On ne remerciera jamais assez le cancer et Jésus.

Oui, tout d’abord, merci au cancer. Car s’il n’avait pas eu un cancer en 1985, à 34 ans, Gerhard Haderer aurait eu la vie indigente d’un « créateur » publicitaire. Or, c’est lorsqu’il fut opéré (et guéri) qu’il a tout laissé tomber et s’est tourné à fond vers le genre de dessins que vous allez (re)découvrir, si puissants, si violents qu’ils se passent de tout commentaire, à part quelques gloussements, quelques éclats de rire et pas mal de silences dans le genre grinçant.

Ensuite, merci à Jésus. Et surtout à Monseigneur Christoph Schönborn, cardinal, archevêque de Vienne. En 2002, Gerhard Haderer publiait La Vie de Jésus, un surfeur drogué à l’encens, ce qui faisait un peu scandale dans la très catholique Autriche, si bien que le cardinal archevêque, hors de lui, crut bon de donner l’ordre à l’auteur de présenter ses excuses aux chrétiens pour avoir ridiculisé le fils de Dieu. Au passage, on le voit, l’Islam n’a pas le monopole du refus des caricatures, mais celles-ci eurent beaucoup moins d’écho chez nos défenseurs de la liberté d’expression. Et bien entendu, comme toujours, la censure assura le succès de l’album, qui atteignit 100 000 exemplaires en quelques jours.

Le capitalisme est comparable à une autruche qui avale tout, absolument tout. Mais là, quand même, il y pas mal de dessins de Gerhard Haderer qui lui restent, c’est sûr, en travers de la gorge. On peut rêver et c’est déjà beaucoup.