« Il n’y aura pas de privatisation d’EDF ni de GDF, et ce pour une raison simple : EDF et GDF ne sont pas des entreprises comme les autres. [1] » Nicolas Sarkozy l’assurait aux sénateurs en 2004. Là où le ministre de l’Économie de l’époque avait raison, c’est que les fournisseurs d’énergie ne sont pas des entreprises comme les autres, c’est d’ailleurs leur mission spécifique qui avait présidé à leur nationalisation.
Jusqu’aux années 1930, la production, le transport et la distribution d’énergie étaient assurées par des sociétés industrielles privées, à l’image des compagnies ferroviaires qui ont précédé la SNCF. Mais parce qu’elles remplissaient une mission de service public et pour des raisons d’efficacité technique, toutes ces entreprises furent nationalisées en 1946, sous l’impulsion du ministre communiste de la Production industrielle, Marcel Paul. Il faut dire que la compromission des industriels avec l’occupant nazi pendant la guerre facilita cette reprise par l’État…
« EDF-GDF ne sera pas privatisée, ni aujourd’hui, ni demain » ? [2] C’est encore ce que promettait Nicolas Sarkozy devant les députés, au moment où il transformait l’établissement public en société anonyme, et ouvrait son capital. Pourtant, depuis quarante ans, les politiques néolibérales grignotent méthodiquement toutes les constructions du gouvernement provisoire de la Libération (1944-1947), dans tous les domaines. L’énergie n’y échappe pas.
Au prétexte d’une mise en concurrence voulue par la Commission européenne, les différents fournisseurs d’énergie publics, bâtis grâce à des investissements publics, sont vendus petits bouts par petits bouts aux groupes privés. Dernière cible en date : les barrages hydroélectriques, contre la vente desquels se bat la Fédération nationale des mines et de l’énergie de la CGT.
Cette privatisation à bas bruit, qui risque de fragiliser encore plus les douze millions de précaires énergétiques (un précaire énergétique est celui « qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat », selon la loi du 10 juillet 2010), un film et un livre qui viennent de sortir la racontent :
– Gilles Balbastre a réalisé Main basse sur l’énergie, six épisodes à voir sur le site dédié, co-produits par la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT et Là-bas si j’y suis.
– Aurélien Bernier, lui, publie aux éditions Utopia Les Voleurs d’énergie. Accaparement et privatisation de l’électricité, du gaz, du pétrole, qui revient sur l’histoire internationale de ce mouvement de privatisations.
Avec une perspective commune : face au grand bond en arrière que représente cet accaparement des ressources énergétiques, la construction d’un grand Pôle public de l’énergie…
Un entretien de Daniel Mermet avec :
– Gilles Balbastre, réalisateur de Main basse sur l’énergie, Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT, Là-bas si j’y suis, 2018
– Marie-Christine Nadeau, de la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT)
– Laurent Hérédia, technicien RTE (Réseau de transport d’électricité), secrétaire fédéral CGT
– Stéphane Tison, de la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT)
– Aurélien Bernier, auteur du livre Les Voleurs d’énergie. Accaparement et privatisation de l’électricité, du gaz, du pétrole, éditions Utopia, 2018