Le 8 mai, on commémore. Mais on ne commémore pas la même chose qu’on soit d’un côté de la Méditerranée ou de l’autre. Si en France le 8 mai est férié pour célébrer la victoire sur les nazis, en Algérie, c’est un tout autre 8 mai 1945 dont on se souvient.
Ce jour-là, le Parti du peuple algérien, fondé en 1937 par Messali Hadj après la dissolution de l’Étoile nord-africaine, profite des célébrations pour glisser, au milieu des drapeaux alliés brandis pour fêter la victoire, le tout nouveau drapeau algérien. Des banderoles sont rédigées en arabe, en français et en anglais : « À bas le colonialisme », « Libérez Messali » ! Revendications nationalistes et anticoloniales insupportables pour les autorités françaises. À Sétif, le jeune porteur du drapeau algérien, Bouzid Saâl, est tué à bout portant par la police. Cette répression violente et injuste du mouvement indépendantiste va provoquer une série de révoltes dans tout le Constantinois, notamment autour des villes de Guelma et Kherrata. Face à ces révoltes, les colons, armés et regroupés en milice, s’organisent. L’escalade de la violence aboutira à un bilan effroyable en quelques jours : plusieurs dizaines de milliers de morts parmi les indigènes (17 000 ? 30 000 ? 45 000 ? On ne connaîtra jamais le bilan exact), 102 tués parmi les « Européens » d’Algérie.
L’historien Alain Ruscio, auteur de La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 et d’une étude sur Les communistes et l’Algérie. Des origines à la guerre d’indépendance, 1920-1962, deux ouvrages parus aux éditions La Découverte, est l’invité de Rosa Moussaoui pour raconter cet « autre » 8 mai 1945 qu’on a tout de suite et longtemps tu dans l’Hexagone.
Attention, certains récits et images des massacres sont d’une telle violence qu’ils peuvent heurter la sensibilité de certains d’entre nous.