« Ôtez vos mains de la République démocratique du Congo, ôtez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ». Ces paroles, c’est le pape François, en visite à Kinshasa pour 4 jours, qui les a prononcées mardi 31 janvier. Bien sûr, c’est son boulot, il vient là pour défendre ses parts de marché par rapport à la concurrence. N’empêche qu’il est un des rares, sinon le seul, à attirer l’attention sur la situation en RDC, avec à l’est, dans la région du Kivu, un conflit qui a fait plus de six millions de victimes en vingt ans.
Il y a quelques temps, nous avions consacré un Mercredito au Kivu, cette région à l’est de la République démocratique du Congo, où, depuis vingt-cinq ans, des milices se livrent des guerres sans merci pour l’appropriation des richesses : coltan, cobalt, cassitérite, etc. Des minerais non renouvelables pour la plupart, dont l’exploitation est commanditée par les géants de la tech (Microsoft, Apple, Google – pour ne citer qu’eux) et qu’on retrouve dans nos voitures électriques, dans nos ordinateurs, et nos téléphones intelligents. Résultat : massacres, épidémies et viols de masse, depuis plus de vingt ans et plus de six millions de victimes dans la population civile.
Mais franchement notre Mercredito n’a pas attiré les foules. On s’en doutait, on le sait dans les médias, l’Afrique n’attire guère. Mais, surprise, parmi nos abonnés, un certain François (basé au Vatican, tiens ?) avait réagi, et nous avait dit qu’il irait voir de quoi il retourne sur place. Alors on le remercie chaleureusement : « merci François ! » Et on vous propose, à nouveau, ce Mercredito spécial Kivu.
Il y a du sang dans nos portables…
…dans nos ordinateurs, dans nos voitures électriques. Le sang des minerais du sang, coltan, cobalt, cassitérite et les autres : l’or, les diamants, et tout ce dont regorge le pays le plus riche de la planète et le plus pauvre du monde, le Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo.
Depuis 25 ans, guerres, massacres, maladies et viols de masse ont fait de quatre à six millions de morts dans la population civile, sans compter des millions de déplacés. Le bilan le plus lourd depuis la Seconde guerre mondiale. Des dizaines de milices armées se livrent des guerres sans merci. Ce serait le résultat de conflits ethniques traversés par les conséquences du génocide du Rwanda de 1994. En vérité, ces atrocités sont liées à l’exploitation et à l’accaparement des minerais stratégiques, commandités par des géants comme Microsoft, Apple, Google, Tesla et bien d’autres. Des marques qui font tout pour masquer les conditions d’exploitation de ces minerais mais qui continuent en toute impunité. La fabrication d’un ordinateur exige cent fois son poids en matières premières. Un smartphone est composé de 60 métaux différents. Il s’agit en grande partie de ressources non renouvelables. Des dizaines de milliers de « creuseurs », hommes, femmes, enfants, travaillent dans des conditions pire que les mineurs de Germinal.
En 1885, Léopold II, roi des Belges, s’emparait de cet immense Congo dont il faisait sa propriété personnelle, ce « merveilleux gâteau africain » disait-il. Lui, c’était l’ivoire et l’hévéa qu’il a pillés par le moyen de l’esclavage et des mutilations massives. Déjà le colonialisme évoquait la barbarie de ces luttes tribales, ce qui justifiait la mission civilisatrice de ces prédateurs. Aujourd’hui, Léopold II s’appelle high-tech.
À juste titre, dans les pays riches, le racisme est condamné et combattu jusqu’à l’emploi d’un symbole ou d’un mot. Mais que dire du mépris et de l’ignorance intéressés où ces peuples sont tenus ? Comment expliquer l’impuissance des Nations unis et l’occultation depuis 2010 du rapport « Mapping » [1] ?
En 1994, durant cent jours, au vu et au su de tous, 800 000 Tutsis et des « Hutus modérés » ont été assassinés dans l’indifférence d’un monde qui, depuis un demi-siècle, répétait « plus jamais ça ». Il était facile d’enrayer ces massacres. Aujourd’hui, malgré le combat de quelques-uns, ce racisme systémique continue d’occulter des crimes qui profitent aux multinationales de la haute technologie, comme au temps de Léopold II, des fabricants de pneus comme Dunlop se développaient sur l’esclavage dans les forêts d’hévéa.
Il ne s’agit pas de culpabiliser chacun ni d’appeler au boycott, mais de soutenir radicalement la lutte contre ces crimes impunis. Des enquêtes et des rapports accablants sont passés sous silence mais ils existent. Devenu gendarme régional, le Rwanda, qui est l’acteur le plus prédateur avec l’Ouganda, a fini par épuiser son capital victimaire. Prix Nobel 2018, Denis Mukwege milite contre l’impunité. Des mouvements agissent, des femmes s’organisent, les pays riches doivent soutenir ces luttes et les médias doivent faire prendre conscience au-delà du public spécialisé. On le sait, il n’y aura pas de paix sans justice.
Écouter les reportages de Daniel Mermet et Giv Anquetil en RDC
Goma, un sang d’encre, première partie
Une bande de ciel très clair et au-dessus un ciel de plomb, noir comme de l’encre. Et entre les deux, au-dessus de Goma, une tache rouge. Rouge pourpre. C’est le reflet de la lave, au cœur du volcan, le reflet de la lave du Nyiragongo.
Programmation musicale
– Inconnu : Whispered song
– Miriam Makeba : Congo
– Wendo Kolosoy : Camille
Goma, un sang d’encre, deuxième partie
Rutshuru, nord de Goma. Des fosses communes ont été retrouvées récemment. Pourtant, elles étaient connues des gens d’ici. Ils savent bien, eux, où sont entassés les corps. Les corps de leurs parents, Congolais, tués après 1996.
Programmation musicale
– Kasai all stars : Tshitua fuila mbuloba
– Lopango ya banka : Nazali kolona awa
– Staff Benda Bilili : Moto Moindo
En route pour Humure !
Dans nos téléphones portables, il y a toujours quelques grammes de Congo. Quelques grammes de cette République démocratique du Congo, où l’on trouve ce précieux minerai, le coltan. Aujourd’hui, départ sur les traces des creuseurs. Mais à l’heure où nous arrivons, toute l’exploitation est suspendue…
Programmation musicale
– Baloji : Tout ceci ne vous rendra pas le Congo
« Si les pauvres chiaient de l’or, leur cul ne leur appartiendrait plus »
Dans nos téléphones portables, il y a toujours quelques grammes de Congo. Quelques grammes de cette région du Masisi, où des dizaines de milliers de creuseurs extraient du coltan. Une région en proie aux groupes armés. Le minerai, là-bas, est à la fois but et moyen de la lutte.
Programmation musicale
– Charles Mombaya : Allo telephone
– Bernard Kabanda : Olugendo lwe bulaya
Les veines ouvertes de l’Afrique noire
RDC, territoire de Walikale. Une région névralgique au cours de ces dernières années. Jadis, on y arrivait lorsqu’on allait rendre visite aux gorilles. Aujourd’hui, les villages de ce territoire ont été le théâtre d’un crime de guerre : le viol de leurs femmes.
Programmation musicale
– Lexxus legal : Qui es-tu
– Wendo Kolosoy : Tejos solo