« Mes mains ne blessent pas : elles soignent, et mes paroles réconfortent. » Parlant de son rôle d’infirmière, Farida a ému le tribunal et le public venu nombreux la soutenir ce lundi 22 février. Rappelons qu’elle était là pour répondre des faits d’outrage, de violences et de rébellion contre des forces de l’ordre, mais c’est l’épuisement des soignants et l’état désastreux de l’hôpital public qui était en question. Nous avions rencontré Farida en juin dernier :
Le crime de Farida, c’est d’avoir jeté deux cailloux en direction des flics, sans les atteindre, et d’avoir fait un doigt d’honneur : « oui, mais l’État doit prendre conscience des doigts d’honneur qu’il adresse à l’hôpital depuis des années, a dit Farida au tribunal, ça fait vingt ans qu’on est en train de voir l’hôpital dépérir. Quand je ne peux pas soigner mon patient, je suis frustrée et en colère. »
Sa colère, c’était le 16 juin dans la manif des soignants à Paris. Les images des policiers dans leurs armures s’y mettant à plusieurs contre une infirmière d’1,55 m, avec sa blouse blanche tachée de sang, ont été vues des milliers de fois. Les vidéos ont été projetées à l’audience. On entend Farida demander aux policiers : « donnez-moi ma Ventoline, je suis asthmatique ». Des images qui avaient suscité l’indignation générale, si bien que l’exécutif avait dû monter au créneau pour défendre ses braves forces de l’ordre contre l’infirmière terroriste.
Au tribunal, le commissaire explique que, dans la bagarre générale, il voit Farida à 10 ou 15 mètres : « elle vient prendre ces pavés, ces énormes morceaux de bitume qu’elle jette dans notre direction, elle nous insulte en nous traitant de putes à Macron, et de sales flics de merde. »
Là, la présidente du tribunal s’étonne :
— « Vous avez pu l’entendre distinctement à 15 mètres de distance ?
— Oui, distinctement. »
Malgré la finesse auditive du commissaire, le tribunal n’a pas été convaincu. Pour le procureur, ces injures ne sont pas assez caractérisées, mais il a tout de même requis une peine de deux mois de prison avec sursis contre l’infirmière. Le jugement sera rendu le 3 mai.
À la sortie, toutes les caméras et tous les micros entouraient Farida et son avocat. Juste à côté, un syndicaliste donnait à qui voulait son sentiment sur cette journée : « le seul procès qu’il faut faire, c’est le procès de la violence sociale. »