S’effleurer, se toucher, se caresser, se serrer, s’étreindre, se pénétrer. Voilà la vie. Bien avant la voix, avant le regard, avant le flair, avant tout, il y a ces gestes. De loin d’abord, salut, adieu, coucou, puis on s’approche, vous dansez ?
Partout, n’importe où, depuis la nuit des temps et même pendant, comme autant de langages différents, comme autant d’alphabets, selon les époques et selon les cantons du monde, selon qu’on est du fleuve ou du delta, de Châteauroux ou de Bahia, on ne confond pas s’embrasser et s’embraser, s’enlacer et se lasser, s’étreindre et s’éteindre, mais toujours et partout, de la chair de poule à la fleur de peau, la vie commence par la caresse.
Or, manque de pot, depuis des semaines, nous sommes en manque de peau. Et de tous les manques, celui-là restera peut-être le plus marquant. Nous nous évitons, nous nous méfions des autres, ah, oui, vraiment , l’enfer, c’est les autres. Gardez vos distances. On ne sait quel crétin officiel a trouvé l’expression « distance sociale ». Comment retrouver la fusion de la manif, les grappes humaines du « tous ensemble », la grande partouze de la lutte après ça ?
En attendant, pour rebondir, voici une histoire d’île et de caresses.
On dit que pour fuir le virus, des milliardaires achètent des îles désertes. Il y a un marché de l’île déserte. Mais je préviens ces gros rupins, l’île du droit à la caresse n’est pas à vendre. Pourtant, c’est une île qui existe, puisque je l’ai inventée. C’était pour faire rire mes enfants, il y a pas mal de temps, et faire rire les gens qui écoutent le poste. Par la suite, c’est devenu un livre réalisé par le génial et regretté Patrick Couratin, traduit dans plusieurs langues, avec de somptueux dessins de Henri Galeron.
J’ai pensé que ça vous plairait en ce moment, cette histoire. C’est plus qu’une histoire, c’est un projet, c’est un projet révolutionnaire, ne le répétez pas, nous nous battrons jusqu’au bout, dans le monde d’après, la caresse comme la paresse seront des droits !
Mais d’abord – et cela non plus, ne le répétez pas –, nous achèterons un marteau neuf pour taper sur les doigts des imbéciles qui utilisent les mots que nous avons remplis d’un sens trop fragile.
Programmation musicale :
– CocoRosie : Candyland