L’UNWRA (l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient), principal canal humanitaire vers Gaza, voit certains de ses employés soupçonnés d’avoir pris part aux massacres du 7 octobre. L’UNRWA a annoncé avoir « immédiatement résilié » les contrats des salariés identifiés et ouvert une enquête pour « établir la vérité sans délai ». [1] En réponse, Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie, la Finlande et les Pays-Bas ont décidé de suspendre leur financement. Voici la traduction d’un article de la journaliste Amira Haas, paru dans Haaretz le 4 février 2024.
Sur la base des preuves fournies par Israël pour étayer ces soupçons, les États-Unis, suivis par le Japon et les pays européens, ont rapidement annoncé la suspension de leurs contributions à l’UNRWA.
L’agence des Nations unies fournit des services à près de 6 millions de réfugiés palestiniens dans les trois pays et territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem-Est.
L’UNRWA est dans la ligne de mire d’Israël depuis de nombreuses années, ce qui l’a naturellement incité à saluer ces mesures, comme si la disparition de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine effaçait le lien des Palestiniens avec leur patrie perdue et la laissait dans l’oubli.
À partir du mois prochain, environ 30 000 employés de l’UNRWA ne recevront plus leur salaire et les services d’éducation et de santé que l’agence fournit à des centaines de milliers de personnes seront gravement affectés.
En l’absence de ces fonds essentiels, les membres du personnel de l’UNRWA dans l’enclave bombardée et exsangue qu’est aujourd’hui Gaza cesseront progressivement de fournir leurs services d’urgence.
Ils ne seront plus en mesure de mener à bien les opérations les plus vitales qu’ils ont entreprises - au péril de leur propre sécurité - afin de soulager quelque peu la misère des gens aujourd’hui : transporter du carburant vers les hôpitaux et vers les quartiers de Gaza dans lesquels les réseaux d’eau et d’assainissement n’ont pas encore été détruits par la guerre, afin que l’approvisionnement en eau potable ne soit pas totalement épuisé et que les eaux usées n’inondent pas davantage les rues ; veiller aux conditions d’hygiène les plus élémentaires dans les écoles de l’UNRWA surchargées de centaines de milliers de personnes déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza ; soigner les malades dans les cliniques, y compris ceux qui ont contracté des infections à cause de la surpopulation et de l’eau polluée, et fournir des colis alimentaires de base et des bouteilles d’eau aux stations de distribution pour des centaines de milliers de personnes affamées et assoiffées.
Aucune organisation d’aide n’est en mesure de remplacer en quelques semaines l’UNRWA, qui a des années d’expérience dans la prise en charge de la population réfugiée de Gaza.
En réponse à ces allégations, l’agence des Nations unies a licencié neuf de ses employés, tandis qu’un employé aurait été tué et deux sont portés disparus. En outre, deux commissions d’enquête ont été nommées : l’une présentera ses conclusions à l’UNRWA et l’autre au siège des Nations unies à New York. Mais ces mesures n’ont pas satisfait les pays du monde éclairé.
Leur décision d’opter pour une punition collective aggravera la faim, la malnutrition, la soif et les maladies qui ravagent la bande de Gaza. L’annonce rapide de ces États témoigne de leur mépris pour l’ordonnance provisoire rendue le mois dernier par la Cour internationale de justice de La Haye, qui avait ordonné à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher un génocide, notamment en garantissant l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza - un domaine dans lequel l’UNRWA joue un rôle central.
Quinze pays, emmenés par les États-Unis et l’Allemagne, signalent qu’ils considèrent la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza moins sérieusement que les soupçons soulevés par les preuves concernant 12 employés de l’agence, et qu’il est moins urgent de réduire ou d’arrêter cette catastrophe de masse que de plaire à leur allié, Israël.
Et c’est un allié qui, depuis des décennies, mène une politique de colonisation et de déplacement forcé des Palestiniens, à laquelle ces autres pays sont également opposés sur le papier. Ils sont parfaitement conscients des rapports faisant état de soldats et de civils israéliens ayant tué des Palestiniens non armés et du fait que, dans la plupart des cas, les auteurs de ces crimes ne sont pas punis. Des ministres de haut rang de leur allié qu’est Israël ont ouvertement prôné le crime d’expulsion des Palestiniens de Gaza.
Par conséquent, le contraste avec la condamnation timide des 15 pays - si tant est qu’ils l’aient fait - ne fait qu’intensifier l’ignominie de leur décision d’aider Israël dans sa campagne de vengeance et de destruction contre tous les habitants de Gaza.