Nous avons si longtemps fait la route ensemble, du même bord, du même rire, du même rêve, poussés par le même besoin irrépressible de tirer la queue du tigre qui dort à condition qu’il ne soit pas en cage. Mais pas pour rien. Un rire pas pour de rire, pas comme ce ricanement cynique qui dit qu’on n’y peut rien, que c’est toujours pareil. Le rire de Charlie, c’est pour changer le monde, pour étendre la surface de la cage et pour la supprimer un beau soir. Et ça passe par la transgression, par le franchissement des lignes bienséantes. « RIRE TUE » disait Choron. Nous avons fait la route ensemble, mais les chemins se sont écartés aussi, il faut le dire nous nous sommes tant aimés et tant engueulés. Fraternellement engueulés. Jusqu’à la prochaine tournée. Jusqu’à la place de la République ce soir, où des gamins escaladent la statue en criant « Liberté, Egalité, Fraternité ! » en hommage à Charlie.
Il faut que Charlie continue. Non pas comme une marque mais comme un combat. Aujourd’ hui, il nous faut toutes nos forces, toute notre raison, pour déjouer les amalgames racistes et l’indécrottable cheptel des profiteurs d’abîme qui se pavanent d’un micro à l’autre.
Dans la manif les yeux fermés, j’entends Cabu qui fredonne Trenet, « Que reste-t-il ….... »