Écouter l’émission :
Il paraît que Claude vient de quitter cette planète. Pas vraiment puisqu’il a pris le soin pendant des années de laisser des messages pour l’éternité sur le répondeur de Là-bas.
Comme celui qui commençait l’émission ce jour-là : « Putain, c’est incroyable, je viens de trouver deux mouches en train de baiser sur le bord de mon verre… ». Oui, vous souriez, mais attention, aujourd’hui la parole s’envole moins que jadis, mais dans un siècle ou deux, nos descendants se demanderont quel est le sens du mot « mouche » et peut-être même le sens du mot « baiser ».
Claude est parti mais il laisse une œuvre, oui une œuvre, faite de tous ses messages laissés comme des petits cailloux au fil des années sur le répondeur. Des incongrus, des poilants, des bouleversants, des pointus, des collés au plafond. Certains écrits comme des sketches, d’autres comme du blues à trois heures du matin ou des impros désopilantes ou des tranches de vie, la sienne ou celle des mouches donc.
Nous savions peu de chose de Claude, qu’il était prof de philo, qu’il vivait à Gradignan. Nous l’avions rencontré dans un joyeux bistro par là-bas d’ailleurs. Nous avons mis une tête sur la voix du répondeur. À quoi répondait-il d’ailleurs ? Quelles questions se posait cet homme sensible et cultivé ? Ses réponses étaient aussi drôles que désespérées avec des éclats qui devaient le surprendre lui-même.
Autant de perles que savent retrouver les malins qui plongent dans nos archives dont l’accès est libre sur le site, rappelons-le. Attention, pas de nostalgie, pas de « c’était mieux avant ». Claude est bien présent. « Vous avez deux minutes pour laisser votre message » disait la voix de Totof, le roi du répondeur.
Nous lui avions consacré une émission entière en 2006, la voici, en hommage et en fraternité avec ses proches et ses lointains.
Salut frangin.
Claude était descendu même jusqu’à Uzeste en août 2019 pour causer dans le poste de Radio Uz, la radio locale et nomade d’Antoine Chao qui est là chaque année pour Uzeste Musical, le festival le plus regonflant du monde. Claude avait aussi laissé des messages lors de Nuit debout, sur la radio éphémère d’Antoine en 2016. Une archive historique !
Écouter le message :
QUELQUES MOTS SUR LE RÉPONDEUR DE LÀ-BAS
Aujourd’hui les réseaux sociaux et la multiplication infinie des échanges ont remplacé le répondeur téléphonique. Mais nous ne sommes pas peu fiers des milliers de messages - environs 25 000 (!) - diffusés au cours des 25 ans de l’émission sur Inter puis désormais sur le net, pas peu fiers d’avoir laissé chaque jour librement la parole à nos financeurs, c’est-à-dire aux auditeurs payant la fameuse « redevance » que la bande à Macron a supprimé alors que cet impôt marquait un lien particulier avec les médias du service public et notamment Radio France.
Il n’y a plus d’auditeurs aujourd’hui il n’y a que des audiences. Des chiffres d’audience. 500 000, un million, 20 millions, mais qui sont-ils ? Des chiffres dans des études de marché comme on en fait pour n’importe quel produit qui renseignent sur les goûts et les attentes du client et de la ménagère de plus de cinquante ans. Le marketing est une technique éprouvée qui n’exige pas de talent particulier. Faire monter la flèche de l’audience est le seul but et l’unique critère. La quantité. Mais qui sont-ils ces auditeurs ? Des chiffres passifs ? Des consoditeurs ? Non, ne dites pas ça, il y a des émissions « interactives ». C’est vrai, on connait la formule : « Vous êtes sur l’antenne, posez votre question ». Oui, comme au collège, levez le doigt, le maître va vous répondre. Le maître c’est-à-dire le journaliste et son invité, l’expert, le sachant. Les questions sont d’ailleurs soigneusement filtrées, pas de débordement.
Et si parmi ces milliers d’auditeurs certains avaient des réponses et des compétences ? On ne sait jamais. Ce fut le pari du répondeur de Là-bas. Laisser la parole. Sans faire de commentaire. Oui, pas peu fier de cette invention modeste et géniale qui présentait aussi l’avantage pour une équipe d’être plus « en phase » chaque jour avec les auditeurs et de ne pas perdre cette boussole. Il est vrai qu’il fallait faire un choix quotidien. Sur une centaine de messages il fallait en choisir cinq ou six, une dizaine tout au plus. Mais nous ne manquions pas de le rappeler « informer c’est choisir ». Ainsi on a pu faire entendre d’autres accents, d’autres manières de voir et de parler que ceux qui causent dans le poste. Chose qui agacèrent parfois nos successives directions. Il est vrai qu’en s’adressant à 600 000 auditeurs, celle qui laissait un message pour annoncer une manif écolo au fin fond de l’Ariège risquait d’avoir plus de monde que d’ordinaire. Et franchement c’est ce que nous voulions.