17 octobre 1961. Nos émissions de 1997 (radio). PODCAST

17 octobre 1961 (3) : entendre sans broncher l’écho des fusillades

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[RADIO] 17 octobre 1961 (3) : entendre sans broncher l’écho des fusillades
17 octobre 1961. Nos émissions de 1997 (radio). PODCAST

(illustration : Ernest Pignon-Ernest)

Entendre sans broncher l’écho des fusillades

En reprenant son vélo, Paul s’est aperçu qu’il n’avait plus de câbles de frein. Quelqu’un lui aurait piqué ? Mais qui ? Et pour quoi faire ? Paul Rousseau était flic, il a tenu à témoigner sur la nuit du 17 octobre 1961. Il avait fini par comprendre que des collègues avaient utilisé des câbles de frein pour étrangler des Algériens et les balancer dans le bois de Vincennes. Cette histoire le hantait toujours des années après.

La barbarie du 17 octobre 1961 marque la faillite totale de la mission civilisatrice de la France. C’est l’échec emblématique du colonialisme français et de la puissante idéologie raciste portée par ses élites, ses penseurs et ses artistes, qui structure depuis si longtemps notre histoire. Depuis les grandes conquêtes, le massacre colonial est une simple coutume. Ça se passe au loin, on ne voit pas bien, on n’entend pas, peut-être que c’est leur façon de chanter. Sauf que là, soudain, c’était en plein Paris, on butait le bougnoule parmi les badauds. L’extrême droite qui se déboutonne en ce moment pleure sur le déclin de la France et nous promet de renouer avec la grandeur de la nation. C’est la grandeur colonialiste du viol des gamines et de la torture à la gégène. Leur grandeur, c’est ce câble de frein.

C’est des corps retrouvés dans le bois de Vincennes, à l’endroit même où, en 1931, trente ans plus tôt, se tenait la gigantesque exposition coloniale avec ses huit millions de visiteurs ébahis, ses pavillons rutilants sur 110 hectares, son train pour emmener les visiteurs. L’empire français et nos belles colonies étaient alors une fierté unanime. Ou presque. Quelques énergumènes avaient trouvé le moyen d’imprimer un tract : « ne visitez pas l’exposition coloniale ! » Par la suite, on remarqua les noms des signataires : Louis Aragon, Paul Éluard, René Char, André Breton, auxquels s’étaient joints le Parti communiste français, et même un certain Léon Blum. Des provocateurs marginaux qui, prétendant « faire face aux bâtisseurs de ruine », réclamaient « l’évacuation immédiate des colonies et la mise en accusation des généraux et des fonctionnaires responsables des massacres d’Annam, du Liban, du Maroc et de l’Afrique centrale ».

Cliquez ici pour télécharger le document.


Sur ce tract, une phrase écrite par ces poètes annonçaient génialement, trente ans à l’avance, l’attitude du pouvoir devant les massacres du 17 octobre 1961 : « donner aux citoyens de la métropole la conscience de propriétaires qu’il leur faudra pour entendre sans broncher l’écho des fusillades lointaines ». Prenez le temps de relire cette phrase. C’est bien ce silence qui s’est imposé pendant de longues années après le pogrom du 17 octobre.

Mais des brèches sont apparues. Cette nuit restait de travers dans la gorge de la vérité et de la justice. Tout un travail de mémoire, de témoignages, de recherche commençait, souvent animé par les filles et les fils des Algériens de 1961. Sur France Inter, fin 1991, l’équipe de Là-bas proposait une série de reportages et de témoignages qui a fait découvrir cette histoire au grand public, grâce surtout à Jean-Luc Einaudi, qui venait de publier un livre qui allait faire référence, La Bataille de Paris. 17 octobre 1961.

En 1997, six années plus tard, Jean-Luc Einaudi, témoin devant la cours d’assises de Bordeaux, lors du procès de Maurice Papon sur son activité de 1942 à 1944, le mettait en cause dans son rôle en octobre 1961. Une occasion de remettre le couvert avec de nouvelles infos, de nouveaux témoins et des messages très précieux d’auditeurs sur le répondeur.

Par la suite, le 20 mai 1998, dans Le Monde, Jean-Luc Einaudi qualifiait le 17 octobre de « massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon [1] ». En juillet 1998, Papon portait plainte contre Einaudi. Lors du procès, Einaudi fit appel à de nombreux témoins, dont votre serviteur. Par le jugement du 26 mars 1999, Maurice Papon était débouté de sa plainte et l’historien était relaxé.

D.M.

Programmation musicale :
 Anna Marly : Avec l’Algérie Française, avec Massu & Salan
 La Tordue : Paris, oct.61

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