L’auteure de La vie sexuelle de Catherine M., récit le plus sexuellement explicite jamais écrit par une femme, a-t-on pu lire à sa parution, revient aujourd’hui avec une réflexion sur D.H. Lawrence, l’écrivain anglais rendu célèbre par L’amant de Lady Chatterley, paru en 1928 et longtemps censuré en Grande-Bretagne.
La rencontre entre Catherine Millet et ce sulfureux Anglais, à la fois puritain et passionné par l’exploration de l’orgasme féminin n’était pas évidente. Quand on pense à Lawrence, on pense à des héroïnes un peu surannées, fuyant mari et enfants pour aller au grand galop, droit devant elle, jusqu’au cœur des forêts. On pense à des femmes de vicaire qui s’enfuient de l’austère foyer conjugal avec de jeunes bohémiens. On pense à tout un univers érotique victorien qu’on imaginait un peu dépassé.
Or, à lire Aimer Lawrence de Catherine Millet (Flammarion), on découvre un tout autre monde. On découvre une précision incroyable dans sa description des scènes de sexe notamment. On découvre une compréhension intime des rapports de domination sexuelle entre hommes et femmes. Dès lors, la rencontre avec Catherine Millet devenait inévitable, elle qui, sortant d’un rapport sexuel frustrant se jura un jour, pour la première fois, qu’« il faudrait dire la vérité de tout ça ». Ce qu’elle fit avec fracas des années plus tard, en 2001, lorsqu’elle publia La vie sexuelle de Catherine M., récit vendu à deux millions d’exemplaires désormais dans le monde, et traduit en quarante langues.
À l’époque des dates Tinder et autres éjaculations faciales accessibles en deux clics, le sexe semble devenu une activité banale, maîtrisée, inoffensive. Avec Millet et son complice Lawrence, on se persuade au contraire que la guerre des sexes ne s’arrêtera jamais, et que la jouissance féminine continue à être un intense sujet d’angoisse dans nos sociétés, qui s’enorgueillissent pourtant à cor et à cri de leur parfaite libération. La facilitation des relations sexuelles a peu changé les règles de l’amour en Occident. Elle n’a en tout cas nullement supprimé les souffrances que ce dernier engendre, aux yeux de Catherine Millet, qui ne cultive aucune des innombrables naïvetés progressistes sur le sujet. Cette vision guerrière du rapport entre les sexes valait bien une « Guerre des idées » un peu particulière, où il sera question du mythe de la nymphomanie, de la haine qui vient parfois s’insinuer au cœur du lien charnel, mais aussi de l’amour comme voie toujours possible au milieu de ce champ de bataille.