Un reportage de Sylvie COMA

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Une caissière d’Auchan City fait une fausse couche sur son lieu de travail, à Tourcoing. L’info est tombée le jour de Noël. Non autorisée à s’absenter, non autorisée à aller aux toilettes, Fadila, 23 ans, enceinte de trois mois, a fini par sentir le sang sur son siège, mais trop tard… Perdue, fragile, elle a fini par oser raconter. « C’est du Zola ! », entend-on. Fadila a dû affronter le cynisme ambiant. Soutenue par l’Union locale de la CGT, elle vient de porter plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger  ». La direction d’Auchan City, de son côté, « s’indigne de l’instrumentalisation calomnieuse de cette situation douloureuse par certaines organisations. »

Auchan est une des cinquante marques de l’empire de la famille Mulliez. 500 000 salariés dans le monde, plus de 80 milliards d’euros de chiffre d’affaire, dont la moitié en France. Chaque jour, 10% des dépenses des Français atterrissent dans les poches des Mulliez. Avec ses 40 milliards d’euros, le clan Mulliez est le plus riche de France.

Installés du côté belge de la frontière afin de ne pas payer d’impôts, les très discrets Mulliez sont des virtuoses de « l’optimisation fiscale », la forme légale de la fraude fiscale. Une enquête de Spéciale Investigation a montré que pour un milliard d’euros de revenus en 2013, Patrick Mulliez n’a payé que 135 € d’impôts en Belgique. Un autre grand patron Mulliez disait n’ avoir jamais fait de déclaration d’impôts de sa vie. Le salaire mensuel de Fadila est de 900 €. "Il y a toujours du sang de pauvre dans l’argent des riches", on trouve ce proverbe aux quatre coins du monde. Mais soyons juste, le gang (légal) des Mulliez n’est pas le seul. Amazon ne paie que 0,5% de son chiffre d’affaire hors des Etats-unis, Google 2,2%,Facebook 1,5% et Apple 1%. Les multinationales ont pris le pouvoir et dictent leur loi aux dirigeants nationaux. Grace à la mondialisation, la mobilité internationale des capitaux leur permet de mettre les Etats en concurrence, les salariés, les systèmes sociaux et fiscaux. Valls, Macron, Fillon et les autres, se disputent la place de serviteur, ils gesticulent, captent l’attention et servent de leurre, ils font diversion, les anciens disaient "trompe-couillon".

Les marques de l’empire Mulliez (© KM Prod.)

Depuis des années, l’économiste Benoît Boussemart décortique chaque jour ces mécanismes opaques. Un travail énorme pour en finir avec ce détournement (légal) de fonds en bande organisée. Mais quelle autorité pourrait y mettre fin ? Manuel Valls, qui a imposé la Loi Travail qui va encore dégrader les conditions de travail, s’est ému du sort de Fadila, d’un ton grave et pénétré : « c’est inhumain ». Pour Benoît Boussemart, Manuel Valls ne peut pas en faire plus. Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Valls c’est le doigt.

Sur son site, Benoît Boussemart analyse :

« Tranquillement, pratiquement sans bruit, les firmes multinationales (FMN) prennent le pouvoir dans le monde. Ainsi, les 2 500 premiers groupes mondiaux cotés représentent fin 2015 environ 49 000 milliards de $ — vous avez bien lu : ce sont des milliers de milliards dont il s’agit pour la capitalisation boursière de ces sociétés.

En comparaison (même si comparaison n’est pas raison), le Produit Intérieur Brut Mondial (la richesse totale produite dans le monde) a atteint en 2015 environ 74 000 milliards de $, contre 78 400 milliards de $ en 2014.

Les 10 premières capitalisations (Apple, Alphabet, Microsoft, Lenox Wealth Management, Berkshire Hathaway, Exxon Mobil, Amazon, Facebook, Johnson & Johnson et JP Morgan Chase) atteignent à elles seules plus de 4 milliers de milliards de $, soit bien davantage que le PIB de la France, ou de l’Allemagne, et très proche du Japon.

La mondialisation a réussi ce tour de force : permettre aux FMN de conquérir la puissance du monde.

Le spectacle des politiciens qui participent à la primaire du PS est d’autant plus pitoyable. Ces politiciens ne contrôlent plus rien, et le terme de « valets » du capital ne leur a jamais mieux convenu. À court d’une véritable analyse sur la mondialisation, ils en reviennent (d’ailleurs au niveau européen) à des approches socio-libérales pour la pseudo-sortie de crise, la dernière mode étant à l’instauration d’un revenu universel.

Il suffit de réfléchir un peu pour s’apercevoir qu’il s’agit d’une vieille lune social-démocrate ; et de la métaphysique économique digne de Proudhon et de ses successeurs, impossible à appliquer dans le cadre d’une mondialisation capitaliste. C’est à nouveau tromper les salariés sur la nécessité de dépasser, bien au-delà de ce revenu universel, le cadre capitaliste de l’économie mondiale. »

Un reportage à Tourcoing de Sylvie COMA.

Les différentes séquences du reportage :

01. Benoît BOUSSEMART, économiste
Là-bas si j’y suis


Programmation musicale :
 Loïc Lantoine : Le grand matin

Pauline BOULET attend vos messages sur le répondeur de Là-bas si j’y suis au 01 85 08 37 37.

reportage : Sylvie COMA
journaliste : Daniel MERMET
réalisation : Alexandre LAMBERT

(Vous pouvez podcaster ce reportage en vous rendant dans la rubrique « Mon compte », en haut à droite de cette page.)

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