Ce matin, aux infos j’entend : « Il est parti tranquillement sur un air de jazz. »
J’ai repris un café et deux choses me sont revenues.
L’une, c’est un été dans les années 1980, en attendant Sarah Vaughan un après-midi à Antibes sous la pinède pendant le festival de jazz. Alors que les techniciens de Radio France s’affairent, Pierre Bouteiller au piano joue As time goes by devant des chaises vides, pour lui-même, juste pour les grillons de la pinède. C’était comme un dessin de Sempé, c’est une image que je garde.
La deuxième, c’est le dentifrice. N’oublions pas que c’ est lui qui avait mis Michel Polac et son Droit de Réponse à la télé. Comme directeur de France Inter (1989-1996), il a trouvé des oiseaux comme Gérard Lefort, Laurent Ruquier, Katleen Evin et quelques autres. Et aussi LÀ-BAS SI J’Y SUIS !
Dès le début en septembre 1989, il a défendu et soutenu Là-bas, en nous donnant les moyens et le temps de réussir. À son départ en 1996, toute l’équipe craignait que l’aventure ne s’arrête. Pierre a été royal, je l’entends encore à la sortie du studio : « C’est trop tard, Là-bas si j’y suis, c’est comme le dentifrice, une fois que c’est sorti du tube, c’est impossible de le faire rentrer dedans. » Celle-là, on ne l’a jamais oubliée. On a fait vingt ans de plus et on continue, hors du tube.
Tout à l’heure dans le taxi, TSF Jazz diffusait Girl talk de Neal Hefti, le sublime indicatif de Pierre pendant des années, son hymne en somme. Sauf qu’il n’y a pas eu le « bonjour » attendu, mais au loin, en écho sous-entendu, les paroles de Nougaro : « Dansez sur moi, dansez sur moi, le jour de mes funérailles. »
Pierre est parti, mais il a laissé les clés du jazz sur le piano, à côté du dentifrice. As time goes by !