Denis Robert... ou le prix de la solution

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Par François Ruffin
Pourquoi le journaliste Denis Robert détient-il, aujourd’hui, le record toutes catégories des plaintes pour diffamation ? Pourquoi, dès qu’il ouvre la bouche pour une interview, dès qu’il prononce le mot maudit, « Clearstream », pourquoi cette seule évocation se matérialise-t-elle, le mois suivant, par une visite d’huissier ?
Parce qu’il dénonce le cœur de la planète financière ? A peine. Parce qu’il porte une bonne nouvelle, surtout : la planète financière est régulable...

Denis Robert démontre, certes, que des centaines de banques off-shore, situées aux Bermudes, aux Bahamas, à Jersey, dans une quarantaine de paradis fiscaux, possèdent leurs compte chez Clearstream. Il ajoute que, contrairement au règlement de la firme luxembourgeoise, des sociétés privées, des multinationales, et non seulement des banques, sont présentes dans les listings de Clearstream. Il révèle, enfin, et l’ancien responsable informatique de Clearstream le confirme, que des transactions ont été quotidiennement effacées de la mémoire des ordinateurs, afin de rendre certains échanges plus opaques encore. Autant d’éléments qui, à l’évidence, peuvent faciliter le blanchiment, voire le noircissement d’argent.

Mais tout cela n’est rien. Le capitalisme s’est habitué aux vaines dénonciations, aux déplorations impuissantes. De rares films, plus fréquemment des livres, se sont attaqués à Total, à la CIA, à Pinault Arnault, aux hypermarchés, à la corruption des élus, etc., et qu’ont récolté leurs auteurs ? L’indifférence le plus souvent, un succès d’estime ou de librairie parfois, un procès à la rigueur lorsqu’ils avaient blessé l’orgueil d’un de ces maîtres. Jamais, en tout cas, une pluie de plaintes comme celle qui, depuis cinq années, s’abat sur Denis Robert.

Ce ne sont pas ses dénonciations, en vérité, que paie Denis Robert, pas même certaines erreurs sur des points de détails. Non : il paie pour la solution. C’est sans doute le message le plus dangereux, le plus explosif, le plus subversif qui découle de ses ouvrages : la planète financière est régulable. Facilement, même, peut-être...

[Intertitre] Une tour de contrôle de la finance

Qu’on s’explique : lorsque deux banques, l’une au Japon par exemple, l’autre en France, doivent échanger des valeurs entre elles, elles passent par Clearstream (ou par Euroclear, à Bruxelles). On appelle ça des « chambres de compensation ». Autant dire que les plus gros flux, des centaines de milliards d’euros transitent chaque jour par ces autoroutes de la finance. Le système, que l’on croyait totalement éclaté, décentralisé, et donc incontrôlable, se révèle au contraire hyper-centralisé, et donc parfaitement observable. Donc contrôlable.

Clearstream sert aujourd’hui à décupler la spéculation, et éventuellement à dissimuler les fruits de divers trafics. Cette « banque des banques » pourrait tout aussi bien, demain, devenir une tour de contrôle de la finance globalisée. Le gendarme d’un monde sans loi. A condition que cet établissement soit transformé en organisme international, ou que des instances indépendantes le surveillent de près.

Voilà ce qu’il ne faut surtout pas comprendre.

Alors, pour qu’on ne comprenne pas cela, on nous embrouille avec de la technique financière ou des « corbeaux ». Les avocats de la firme poursuivent, menacent, chipotent sur des vétilles. Toute cette fumée médiatico-judiciaire pour que l’on n’aperçoive pas, clairement, la bonne nouvelle, la lumière au fond du tunnel : la mondialisation financière peut être régulée. Encore faut-il le vouloir...

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