Bonne année Chers amis,
Bonne année Chers AMG,
Bonne année taupes et colibris !
« Bonjour les amis, c’est moi le colibri, l’oiseau minuscule pimpant et joyeux ! Joyeux, mais pas aujourd’hui car il y a le feu, les amis, notre grande forêt brûle, aussi je ne reste pas avec vous, j’y vais, j’y vole, je suis indigné, voyez comme je suis indigné les amis, d’ailleurs j’ai signé la pétition, « A bas le feu ! ».
Mais ce n’est pas tout, je ne reste pas sans rien faire, je suis un colibri engagé, voyez à mon bec cette goutte d’eau, eh bien je vais la larguer dans les flammes, oh, certes ce n’est qu’un geste, mais c’est déjà ça, les amis, on est si impuissant, si petit, et l’on se sent tellement bien quand on fait le bien, après ça on peut se regarder dans la glace, car que faire d’autre en attendant que les flammes arrivent et nous emportent tous ? »
Un peu partout ces temps-ci on entend ce colibri avec sa petite chanson,
« C’est déjà ça, le peu qu’on peut c’est mieux que rien. C’est mieux que dans les années 80, dit le colibri. Dans les années 80, on était complètement résigné. C’est comme ça, c’est naturel, c’est normal, toute contestation est ringarde et extrémiste, enrichissez-vous ici et maintenant, l’Histoire est finie, « La dénonciation systématique du profit est à ranger au magasin des accessoires » affirmait Laurent Fabius fin 1983.
[1]
Puis, avec les années 90, le retour des guerres et la montée des souffrances sociales, une dissidence s’est fait entendre et a réussi à rouvrir quelques brèches contre la soumission à « la réalité économique ».
Marx (Karl) l’avait dit, « L’économie politique, malgré son air laïc et matériel, est en réalité une science morale, la plus morale des sciences. Son dogme principal c’est le renoncement, l’abandon de la vie et de tous les besoins humains » [2]
Mais même sans Marx on comprenait ; chacun dans sa vie était confronté au chômage, à l’injustice sociale et à la compétition égoïste. La précarité était imposée à tous ; un moyen radical pour décourager la plus modeste fronde, tant il est vrai que la précarité mène à la soumission.
Mais malgré tout, des échines se relevèrent. Malgré la diabolisation acharnée de toute critique sociale, malgré des médias fabriquant chaque jour amnésie et consentement (consensuel et sans suite) malgré, surtout, le bréviaire de l’ impuissance, partout inculqué, répété, psalmodié.
Malgré tout, des contre-feux s’allumèrent, vacillants, tâtonnants, mais suffisants pour troubler nos maîtres et leurs bons plaisirs.
En dix ans, de décembre 1995 à mai 2005, du rejet du Plan Juppé au rejet du traité de constitution européenne, ils passèrent d’un autisme hautain à une rage dédaigneuse contre ce peuple imbécile. Heureusement inorganisé. Mais tout de même, il allait falloir trouver les moyens de détourner et de récupérer la « grogne » de ces gorets. Pour cela les idées ne manquaient pas et les médias suivirent ; mettre de l’éthique sur l’étiquette, faire du commerce équitable, du développement durable, repeindre les prisons, dénoncer bavures et dérives, fustiger la guerre, le terrorisme, Le Pen et le Sida. Et le Mal.
S’engager dans la guérilla contre les tarifs abusifs des opérateurs de téléphonie mobile, prendre le maquis pour l’ouverture des centres d’hébergements pour les SDF toute l’année même le dimanche, rejoindre les brigades internationales pour la collecte des pièces jaunes… Bref, toutes les causes, toutes les luttes qu’on voudra mais à la condition de se tenir dans les limites, surtout rien de politique , rien qui risque de remettre en cause l’ordre économique du monde, mais au contraire, le renforce et lui donne figure humaine, celle du citoyen-consommateur par exemple, « Pour un capitalisme moral » voilà un possible mot d’ordre, ou bien, encore mieux « Un autre capitalisme est possible ». [3]
Car c’est cela le plus important. Que le colibri s’agite et s’épuise et démontre son impuissance, notre impuissance. Mais qu’il ne touche pas à l’ ordre inéluctable. Que tout change pour que rien ne change. Changer la garniture, offrir le choix entre cornichon ou mayonnaise, mais ne pas toucher au plat de résistance. Cornichon Sarko, Mayonnaise Sego, que choisir ? Chaque jour nous vous aidons, amis auditeurs, en toute objectivité. Comprenez bien, changer le gérant si ça vous chante, mais pas question de toucher au fonds de commerce.
Voilà qui est capital.
Que le colibri ne demande pas pourquoi la forêt est en feu.
Que le colibri ne demande pas pourquoi depuis la privatisation des Sapeurs Pompiers, les camions sont en panne faute d’investissement.
Que le colibri ne sorte pas du périmètre de la compassion.
Que le colibri n’entende pas sous la terre, dans le souterrain des choses, les taupes qui patiemment creusent et rongent en fredonnant, les pilotis du Grand Château de Carte.
Alors, en 2007, taupe ou colibri ?
Bonne année chers AMG !
Là-bas, le 31 décembre 2006